jeudi 3 août 2017

Cumières, Forges sur Meuse & Béthincourt


Le 21 février 1916, le tonnerre des canons marque le début de la bataille de Verdun. Situé sur le secteur de Verdun, le village perdu par les troupes françaises le 29 mai 19162 et repris le 20 août 1917 disparaîtra totalement sous l'acharnement des pilonnages des obus français et allemands.

C'est l'un des neuf villages français détruits durant la Première Guerre mondiale qui n'a jamais été reconstruit. Déclarée « commune morte pour la France » à la fin des hostilités, il fut décidé de conserver cette commune en mémoire des évènements qui s'y déroulèrent. La commune est aujourd'hui administrée par un conseil de trois personnes désignées par le préfet de la Meuse.

En Meuse, 9 villages ont été détruits pendant la Première Guerre Mondiale. Cumières, seul de ces villages sur la rive gauche de la Meuse, avait 205 âmes en 1913. L'offensive allemande pour s'emparer de Verdun est déclenchée en février 1916. Début mars les combats ont lieu sur les collines du Mort-Homme, puis c'est la côte 304 qui est attaquée le 20 mars. Cumières tombera le 24 mai et ne sera reprise que le 20 août 1917.

Les Français opposeront une résistance héroïque sous un déluge de feu et un climat terrible. 10 000 poilus sont morts dans ce secteur. La commune de Cumières, déclarée "village mort pour la France", devient en 1922 Cumières le Mort-Homme. En souvenir du village, la chapelle Saint-Rémi est construite avec les pierres de l’ancienne église au milieu d'un enclos précédé d'un monument pour rappeler qu'ici, il y avait un paisible village. Aujourd'hui 3 édiles désignés par le Préfet administrent cette commune sans habitant pour en perpétuer le souvenir.


Le Bois de Forges a été un champ de bataille particulièrement meurtrier en 1914. Le 21 février 1916, le tonnerre des canons marque le début de la bataille de Verdun. Situé sur le secteur de Verdun, le village perdu par les troupes françaises le 6 mars 1916 et repris le 26 septembre 1918 disparaîtra totalement sous l'acharnement des pilonnages des obus français et allemands.

BETHINCOURT - Le 55e régiment d'infanterie va rester dans la commune du juin 1914 en juin 1915. Le 21 février 1916, le tonnerre des canons marque le début de la bataille de Verdun. Situé sur le secteur de Verdun, le village perdu par les troupes françaises le 8 avril 1916 et repris le 26 septembre 1918 disparaitra totalement sous l'acharnement des pilonnages des obus français et allemands. Le 6 avril 1916 décède ROUE Jean Marie, soldat du 37e RI. Le 37e RI est arrivé à Verdun, en premières lignes, le 26 mars 1916.

Il relève le 121e RI dans le secteur de Béthincourt / Esnes, pour y assurer la garde du saillant très important constitué par le village de Béthincourt, au nord du ruisseau de Forges. Sa mission est de laisser le temps à la division de s'organiser sur la cote 304. Il est ainsi sacrifié.

Les allemands tentent de s'emparer de Verdun, les combats sont très violents, les bombardements terribles. Le corps de Jean Marie ne sera jamais retrouvé, comme tant de ses camarades. Le village de Béthincourt fait partie des 17 communes médaillées de la Résistance (décret du Général de Gaulle du 15/10/1945). A accueilli le PC du colonel Grandval, chef des F.F.I pour l'Est de la France, du 6 juin au 13 juillet 1944.



 

mercredi 2 août 2017

Cimetières militaires allemands autour de Verdun


Les images qui suivent ont été prises le 15 et le 16 mai 2017, ce sont trois cimetières militaires allemands : le cimetière militaire allemand de Saint-Mihiel dans la forêt domaniale de Gobessart (6046 soldats allemands de la Guerre 14-18), le cimetière militaire allemand d’Epinonville (1151 soldats allemands de la Guerre 14-18) et le cimetière militaire allemand de Romagne-sous-les-Côtes (2226 soldats allemands de la Guerre 14-18).
Il y a 30 nécropoles allemandes dans le seul département de la Meuse. Les plus importantes sont celles de Consenvoye (11146 soldats), de Hautecourt (7885 soldats) et de Cheppy (6130 soldats). Dans les 30 cimetières militaires allemands de Meuse sont enterrés 85400 soldats allemands.

Il y a des cimetières militaires allemands en France… mais ils ne sont pas très beaux. Le traité de paix signé à Versailles en 1919 avait attribué la charge d’aménager les cimetières au pays où les morts étaient tombés. Les Français ont donc organisé, sur leur territoire, ceux destinés aux morts allemands, tandis que les Allemands s’occupaient de ceux pour les prisonniers français décédés en captivité. Mais les Français ont fait le minimum. Ils ont aussi écarté les nécropoles allemandes des lieux sacrés. Par exemple, pour la bataille de Verdun, le cimetière allemand le plus proche de l’ossuaire et de la nécropole française de Douaumont (16 000 tombes) se trouve à 14 kilomètres de là ! Jusqu’en 1926, les Français se sont occupés seuls des nécropoles allemandes. Puis ils ont accepté qu’une association privée allemande les aménage, ce qu’ont fait des étudiants germaniques bénévoles pendant leurs vacances. Ceci explique pourquoi on ne trouve pas de beaux cimetières allemands en France. Alors qu’il y en a ailleurs, du côté d’Ypres (théâtre de la bataille des Flandres) notamment, en Belgique, avec de très belles sculptures.


Pourquoi les croix des cimetières militaires allemands implantés en France sont-elles généralement noires ? La première explication voudrait que les allemands aient simplement choisi cette couleur car elle est pour eux symbole de deuil. De la même façon, ils ont choisi la façon dont étaient implantés les croix, ainsi que les différentes essences d'arbres et de plantes qui agrémentent ces cimetières. Ce dernier point est confirmé par la Convention Franco-Allemande de 1966 mais celle-ci ne fait nulle mention des couleurs des croix.
Une autre théorie prétend que, jusqu’en 1966, les cimetières allemands de la Grande Guerre étaient sous tutelle administrative française. Chaque tombe était alors matérialisée par une croix de bois recouverte d’une couche de bitume afin d’éviter le pourrissement. Les Allemands ont ensuite remplacé ces croix de bois par des croix en alliage fonte et aluminium mais en conservant l’aspect sombre d’origine.
La troisième explication, très répandue celle-là, affirme que cette couleur a été attribuée par les alliés au lendemain de la Première Guerre Mondiale afin de distinguer leurs tombes blanches et immaculées de celles des vaincus jugés responsables de la barbarie sans nom qui vient de s'achever. Certains pensent même que cette décision est inscrite dans le Traité de Versailles, mais si un chapitre est bien consacré aux sépultures dans ce texte il n'est toutefois fait aucune mention de ce détail colorimétrique (En lisant le Traité de Versailles on comprend pourquoi il y a eu une deuxième Guerre Mondiale).

Il est d'autant plus difficile de démêler le vrai du faux que l'on trouve des exceptions dans certains cimetières allemands implantés en France, avec parfois des croix en pierre, en grès ou en schiste. La vérité emprunte sûrement un peu à chaque théorie. Une certaine liberté aurait été laissée pour l'agencement des cimetières militaires suivant les pratiques culturelles de chaque nationalité (disposition des tombes, orientation, indications, gestion des espaces verts...), mais un régime particulier aurait tout de même été imposé aux vaincus (tombes noires et absence de drapeau). Cette thèse serait d'autant plus crédible que le noir n'entrerait apparemment pas dans la tradition mortuaire germanique (à l'arrière du front les sépultures militaires allemandes sont généralement surmontées de croix blanches).


Ce qui est sûr c'est que c'est l'Allemagne qui paie l'entretient de ces cimetières et nécropoles, par l'intermédiaire du Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge qui a pour mission de recenser, préserver et entretenir les tombes de soldats allemands à l'étranger. L'Etat français a accordé à l'Allemagne (plus précisément à la République Fédérale d'Allemagne de l'époque), la libre disposition des terrains sur lesquels sont implantés des nécropoles ou des cimetières militaires allemands, gratuitement et sans limitation de durée. Mais les terrains restent la propriété de l'Etat français.



En forêt de Gobessart (Cimetière allemand de Saint Mihiel) - C'est un cimetière militaire allemand comme les autres, parfaitement entretenu, avec des haies taillées qui le clôturent, planté de quelques arbres, mais isolé au beau milieu de la forêt... à quelques kilomètres de Saint-Mihiel.
Comme les autres, les belles portes d'entrée en bronze ont été dérobées. Comme les autres, il a ses croix noires, alignées ici de façon conventionnelle, où se mêlent quelques stèles juives. Entre les lignes, on peut voir des plaques gravées portant plusieurs noms. Comme dans certains autres, de belles sépultures sculptées ont été conservées et regroupées au fond du cimetière, de part et d'autre du monument central, ici surmonté d'une belle sculpture allégorique en pierre. Comme les autres, il est dépourvu de drapeau. Comme les autres, les noms des soldats de l'ossuaire sont portés par de grandes plaques sombres, disposées de part et d'autre du monument et l'on peut déplorer le vol cet hiver d'une partie d'entre elles. La présence d'une bougie prouve que le lieu n'est pas tombé dans l'oubli et que l'on vient ici honorer un aïeul tombé sur cette terre. Parmi les sépultures sculptées, on remarque la présence de monuments offerts par des camarades…


Le cimetière allemand de Gobessart - Situé à 4 kilomètres au sud-est de Saint-Mihiel sur les hauteurs dominant la ville, le cimetière allemand de Gobessart regroupe 6 046 corps de soldats, principalement tombés en 1914 et 1915, dont 2 austro-hongrois. Une illustration de la mort de masse et de la dimension des combats visant à réduire le saillant de Saint-Mihiel en 1915 - Dès le 20 septembre 1914, les Allemands attaquent sur les Hauts-de-Meuse, au nord-est de Saint-Mihiel. Le dispositif défensif français se réarticule afin de continuer à couvrir Verdun. La ville de Saint-Mihiel est conquise le 24 septembre. Les gains de terrain par les Allemands forment un saillant de 20 km de profondeur dans le dispositif français sur une ligne Les Eparges – Saint-Mihiel – Pont-à-Mousson. Les opérations françaises de reconquête sont lancées à partir du 25 novembre 1914 jusqu’en 1915. Ces opérations se caractérisent par des pertes françaises et se soldent par un premier échec lors de l’offensive de la Woëvre, en avril 1915. Après cette date et jusqu’en 1918, le saillant de Saint-Mihiel connait moins d’opérations jusqu’à la reconquête par les troupes américaines. 
 
L’aménagement du cimetière allemand de Gobessart après le conflit - Le cimetière de Gobessart est aménagé dès 1914 par l’armée allemande. Après la guerre, les autorités françaises décident de réorganiser le cimetière provisoire pour y rapatrier les corps des soldats allemands inhumés dans les cimetières de 48 communes, ainsi que deux monuments commémoratifs allemand. Le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge (VDK) commence les travaux d’aménagement du cimetière dès 1930, puis remplace les croix de bois par des croix en métal et réhabilite les espaces verts.
Le monument commémoratif du cimetière - Au centre du cimetière se dresse un monument commémoratif, dominant l’ossuaire, bordé par un muret en grès rose des Vosges. Le monument commémoratif est structuré en trois parties : le socle en pierre calcaire recouvert de plaque en grès rose ; la base rectangulaire du monument en moellons de calcaire blanc ; la sculpture en pierre de taille. Cette dernière représente un homme torse nu, les cheveux bouclés et une barbe agenouillé et regardant vers le bas. Il tient dans sa main droite un casque à pointe aux armes de la Bavière, une épée reposant sur un drapé est apposé sur sa cuisse gauche et un fusil dans sa main gauche.
Un bien sélectionné dans le projet UNESCO - Cette nécropole fait partie de la série de 136 biens français et belge proposés à l’inscription sur l’ensemble du front occidental. Les sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre mondiale retenus témoignent d’un rapport nouveau à la mort du soldat – qui s’explique par le caractère industriel et total de cette guerre – dont résulte un nouveau culte des morts.

 Romagne-sous-les-Côtes, une importante base arrière - Dans le village resté intact, les civils restants, femmes, enfants et hommes âgés, sont regroupés puis déportés vers l'arrière. Les maisons sont rapidement réinvesties pour servir de cantonnement, de foyer du soldat ou pour loger les états-majors. Un hôpital est aussi installé dans l'église. Bientôt, le village est électrifié au moyen de petites centrales électrogènes et sillonné par les lignes du réseau de téléphone qui maille toutes les positions de l'arrière front.


Progressivement, les installations vont s'étoffer et déborder le périmètre du village : au plus fort des opérations allemandes devant Verdun, ce seront 18 000 soldats allemands qui occuperont le secteur. Dans le cadre du déploiement d'un réseau de voies ferrées à usage militaire, Romagne est dotée d'une gare avec dépôt et triage. On implante aussi un ensemble de boulangeries, tandis qu'un camp de prisonniers russes est installé. Par ailleurs, le village étant de plus en plus exposé aux tirs de l'artillerie française et aux bombardements aériens, notamment à partir de 1916, on y aménage de nombreux blochkaus bétonnés qui offrent un abri en cas d'alerte.

Romagne garde d'importantes traces de ces années de guerre. Le village, presque totalement ruiné en novembre 1918 (seules quelques maisons anciennes ont été conservées) est marqué par l'empreinte architecturale de la reconstruction qui s'achève avec l'inauguration de la nouvelle église en 1934. Au pied de l'église, le monument aux morts de la commune associe combattants et victimes civiles mortes au cours de la déportation en Allemagne. En lisière du village, un cimetière rassemble les sépultures de 2226 soldats allemands et rappelle les sacrifices consentis par ces jeunes soldats durant la bataille devant Verdun.
 

 

dimanche 30 juillet 2017

La Voie Sacrée nationale


La Voie sacrée ou Voie sacrée nationale est une route stratégique historique qui relie Bar-le-Duc à Verdun, numérotée RD1916. Elle fut l'artère principale de la bataille de Verdun. Désignée simplement comme la route, la départementale reliant Bar-le-Duc à Verdun était l'artère logistique vitale de la place de Verdun. Ce n'est qu'après la guerre qu'elle fut baptisée la « Voie sacrée » par l'écrivain Maurice Barrès, en référence à l'antique Via Sacra romaine menant au triomphe.

Cette voie dut être entretenue en permanence, car les camions de transport de matériel et de troupes y défilèrent sans arrêt au rythme d'un véhicule toutes les quatorze secondes en moyenne. Durant l'été 1916, 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions, de ravitaillement et de matériel l'empruntaient chaque semaine pour alimenter la fournaise de Verdun. Si un véhicule tombait en panne, il était immédiatement poussé dans le fossé pour ne pas gêner la circulation. Des carrières étaient creusées tout le long de la route et des soldats jetaient en permanence des cailloux sous les roues des camions pour boucher les ornières.

Plusieurs escadrilles de chasseurs, parmi les meilleures que comptait l'aviation française, étaient chargées de sa protection contre les attaques aériennes ennemies, à l'exclusion de toute autre mission.
Cette route était vitale pour la bataille. Le capitaine Doumenc, concepteur du système de la noria, l'avait d'emblée compris, ainsi que le général Pétain, qui l'a utilisée pour organiser la noria des troupes. Tous les régiments de l’armée française sont venus combattre à Verdun. Philippe Pétain avait voulu une rotation rapide des régiments au front pour toujours opposer aux Allemands des troupes les plus fraîches possibles. Cette route était d'autant plus importante que pratiquement toutes les voies ferrées du secteur étaient aux mains des Allemands, ou sous le feu permanent de leur artillerie.
L'historiographie traditionnelle française de la Première Guerre mondiale a suscité un ensemble de mythologies nationales, comme celle de la bataille de Verdun et de la Voie sacrée mais a oublié que cette voie n’était qu’un cas parmi d’autres. De nos jours, elle est matérialisée par des bornes casquées portant l'inscription N VS (Nationale Voie sacrée). Jusqu'en 2006, elle était administrativement nommée RN 35. Depuis le déclassement de la majorité des routes nationales aux départements en janvier 2006, la route est rebaptisée RD1916 en référence à l'année 1916.
Verdun étant situé au fond d'un saillant formé en 1914, la région fortifiée n'est pas aisée d'accès, car les principales lignes de communication qui y mènent sont coupées. Avec le début de la bataille du 21 février 1916, la situation devient vite critique, aussi bien que pour le ravitaillement que pour la relève des troupes ou l'évacuation des blessés.
Comme souvent, c'est le général Pétain qui résume le mieux la situation dans son livre sur la bataille de Verdun : il ne s'encombre pas de littérature et a l'esprit synthétique. Voici les premières lignes de son chapitre sur le problème des voies de communications :
« Vers le carrefour Regret-Verdun, base avancée des approvisionnements de l'armée, quatre voies arrivaient de l'arrière :
le chemin de fer venant de Commercy et descendant la Meuse, inutilisable parce que passant à Saint-Mihiel dans les lignes de l'ennemi ;
le chemin de fer de Sainte-Menehould et Clermont-en-Argonne, souvent coupé par les obus à hauteur d'Aubréville et par lequel on ne pouvait amener qu'une partie du matériel du génie ;
le petit chemin de fer à voie étroite, dit Meusien ou Varinot qui servait au transport des vivres et d'une partie du matériel ;
la route départementale de Bar-le-Duc, sur laquelle circulaient sans interruption les convois automobiles conduisant à la bataille les troupes et les munitions. »
Ainsi, sur quatre voies d'accès, deux sont coupées ou sous le feu de l'ennemi, et une autre n'a qu'une capacité limitée (avec 10 000 tonnes et 73 500 hommes transportés en juin 1916, le Varinot sera surtout utilisé pour le rapatriement des blessés). Cela limite donc les possibilités à une seule route la nationale de Bar-le-Duc à Verdun. Le point d'arrivée de la Voie Sacrée était situé sur la commune de Nixéville au lieu appelé Moulin-Brûlé. Les derniers 8 kilomètres reliant Moulin Brûlé à Verdun était sous le feu de l'artillerie allemande.
Pétain décrit ainsi dans son livre La bataille de Verdun les problèmes rencontrés à partir du 28 février 1916 : « Lorsque, le 28 février, commença le dégel, la route devint subitement impraticable, il fallait trouver sans délai un procédé de remise en état, question de vie ou de mort de la 2e armée. Comme nous ne pouvions pas rechercher des matériaux au loin, ce qui eût exigé trop de temps et aggravé le problème des transports, je fis ouvrir entre Bar-le-Duc et Verdun un grand nombre de carrières de pierres tendres du pays, des équipes de civils et de territoriaux les exploitèrent aussitôt. D'autres équipes, réparties dans les six cantons, jetaient inlassablement sur la chaussée les matériaux arrivant des carrières, la file de camions faisait office de rouleaux compresseur ».
Le général Serrigny en dit un peu plus long dans ses mémoires : « De son côté Barescut (chef d'état-major de la 2e armée) étudiant l'arrière s'aperçut bien vite que le sort de la bataille allait dépendre entièrement du débit qu'on pourrait obtenir de la route de Bar-le-Duc, le chemin de fer à voie étroite n'était susceptible en effet que d'un trafic très réduit. Celui de la route était déjà formidable le 26, les convois montants ou descendants se succédaient presque sans interruption et il fallait prévoir pour les jours suivants une intensification encore plus grande de ces mouvements »
Le problème est posé, reste à trouver la solution. Le plus délicat est de trouver un moyen de réparer la chaussée sans jamais interrompre la circulation. Le remède est fourni par le commandant Richard, chef du service des routes : « Richard, qui était en temps de paix un brillant ingénieur des Ponts et Chaussée, chercha une solution qui n'était certes pas commode à trouver. Il était doué heureusement d'un esprit observateur et inventif. En étudiant la question sur place il s'aperçut que si l'on creusait le sol des champs avoisinant la route de quelques centimètres seulement on trouverait des cailloux calcaires, insuffisants pour un empierrement normal, mais susceptibles cependant d'assurer temporairement à la chaussée la résistance nécessaire. On avait ainsi la matière, mais comment l'utiliser ? On ne possédait aucun rouleau, en eût-on à sa disposition qu'il eût fallu renoncer à les employer étant donné l'impossibilité ou l'on se trouvait d'arrêter la circulation. Richard proposa alors d'échelonner tout le long de la route des équipes de territoriaux armés de pelles et appelés à jeter continuellement ces graviers sur la chaussée, les automobiles devaient se charger de les transformer en ballast. C'est ainsi que pendant des semaines et des mois, des milliers d'hommes espacés de quelques mètres seulement lancèrent jour et nuit des pelletées de pierres sans jamais se lasser et maintinrent finalement la Voie Sacrée en état. Si la bataille de Verdun s'est terminée à notre avantage c'est donc avant tout grâce à l'ingéniosité du commandant Richard concernant la logistique. »
Les conditions de vie des chauffeurs ne sont pas idéales. Au début, les chauffeurs doivent tenir au volant 18 heures par jour et prennent seulement quelques heures de sommeil dans le fond de leur camion. Ce rythme infernal peut durer jusqu'à 10 jours d'affilée. Une discipline de conduite très stricte est imposée par la prévoté. Il est interdit aux camions de circuler autrement qu'en groupes ou en convois régulièrement constitués. Personne n'a le droit de doubler, à part les véhicules sanitaires et les voitures de tourisme, c'est-à-dire celles d'état-major. Il est bien sûr interdit de doubler dans les villages. Des vitesses maximales sont imposées : les camionnettes sont les plus rapides, elles peuvent rouler à 25 km/h. Pour les camions, la vitesse limite est de 15 km/h. Les tracteurs d'artillerie lourde sont limités à 4 km/h, ou 8 km/h s'ils sont à vide. Il n'est pas inutile de rappeler que la Voie Sacrée est une voie à double sens, d'une largeur de sept mètres dans ses meilleurs endroits. Dans les zones autorisées, c'est-à-dire loin du front, l'éclairage nocturne se fait par lanternes, des fanaux ou des phares blancs. Ailleurs, il faut avoir recours à des feux bleus, moins visibles.
Il est strictement interdit de s'arrêter sans motif grave. Et comme nous l'avons vu, les véhicules en panne ne pouvant être remorqués sont jetés sur les bas-côtés. Les groupes de camions ont leurs insignes propres. On trouve ainsi le cygne, le trèfle, le coq, etc. Les autres moyens de transports, convois hippomobiles et fantassins passent sur deux autres routes, plus étroites et sinueuses, qui sont parallèles à la Voie Sacrée, à l'est et à l'ouest.