mercredi 16 avril 2014

Roscoff et les Johnnies


Roscoff


1818-1860: surpopulation et émigration. De 1817 à son décès, le 2 octobre 1820, Dorothée Silburne, qui avait hébergé et secouru Monseigneur de La Marche durant son exil à Holborn, est recueillie par le comte de la Fruglaye dans sa maison près de l'église d'où elle dépense la pension qu'elle a reçu de Louis XVIII à ses œuvres de bienfaisance.



Du 1er novembre au 6 décembre 1832, l'épidémie de choléra, qui sévit dans toute la France, tue quatre vingt six roscovites. Devant l'incompétence des médecins locaux, deux médecins de la Marine sont dépêchés de Brest et mettent un terme à la surmortalité. Le 8 avril suivant, la municipalité est contrainte par une loi d'assainissement votée par l'Assemblée d'ouvrir, en sus des cimetières de l'enclos paroissial et de l’hospice ainsi que celui de Santec, un quatrième cimetière, le cimetière du Vil. Cette même année 1831, des investisseurs brestois, espérant valoriser un polder de cent hectares, construisent la digue à écluse qui ferme le fond de l'anse de Laber, espérance déçue par l’opposition de la commune favorable aux goémoniers et à la libre pâture pratiquée par les santéquois.




Les vapeurs à aubes de Corbière font entrer les colporteurs dans la modernité et convertit Roscoff en port pêche. Le bourg compte alors de nombreux indigents, journaliers et matelots au chômage entre deux emplois. L'alphabétisme est l'exception y compris chez les hommes d'affaires les plus expérimentés. Le budget de la commune, réduit à quelques quatre mil francs issus principalement de l'octroi et des taxes sur le smoglage (importation de whisky), peine à l'entretien de la digue du Vil et des pavés, à la rémunération d'une dame des Postes, d'un cantonnier et, depuis 1831, de deux instituteurs, l'un à Roscoff même, l'autre à Santec. La commune s'en remet souvent à la tutelle du préfet.





Maisons urbaines et vestiges de la chapelle Saint-Ninien. Monuments historiques classés. En 1548, Marie Stuart, jeune reine d’Ecosse âgée de six ans et future reine de France par son mariage avec François II, débarquait à Roscoff. De ce royal évènement, la tradition populaire rapportera que la jeune souveraine fut alors hébergée dans l’une ou l’autre des deux maisons sises aux n°19 et 25 de l’actuelle rue Réveillère, appelée depuis Maisons Marie Stuart. C’était sans nul doute rendre hommage à la qualité de ces deux manoirs urbains dignes d’accueillir une reine ! Mais omettre leur date de construction qui, comprise entre 1560 et 1580, est donc postérieure à la venue de la souveraine.




La réalité veut qu’à son arrivée à Roscoff Marie Stuart débarquât au pied de la chapelle Saint-Ninien, édifiée vers 1510. Cette chapelle était probablement le seul édifice existant  en bordure de mer sur le territoire roscovite à cette époque. En ruines, la chapelle fut détruite en 1932 pour permettre l’accès au nouveau quai. Il n’en subsiste aujourd’hui qu’une porte à voussures et un bénitier encastrés dans un des murs de la maison située au n°25.



Eglise Notre-Dame de Croas-Batz. Fondée au début du XVIe siècle à l’initiative de riches marchands et armateurs, sur le site de Croas-Batz (Croix de l’Ile de Batz), l’église fut consacrée en 1550. Entreprise vers 1520 par la nef, sa construction se poursuit au cours du XVIe siècle par le porche ouest et le clocher puis, au XVIIe siècle par le chœur (vers 1609), la sacristie et l’enclos (1639). Elle s’acheva en 1701 par l’édification de la chapelle nord dite « des Agonisants ». L’église fit l’objet d’une campagne de restauration en 1777.





Rompant avec le style de l’église fidèle à la tradition gothique, le remarquable clocher Renaissance, 1576, est couronnée d’un dôme flanqué de lanternons superposés. Contemporain et stylistiquement proche de celui de la chapelle de Berven-Plouzévédé, il en revêt la même importance pour l’histoire de l’art en basse Bretagne. Ils sont en effet considérés comme les prototypes des clochers à double galerie et double étage de cloches, nombreux dans le Léon.





Deux ossuaires en forme de chapelle, l’une très sobre (XVIe siècle) et l’autre admirablement ajourée d’un double rang de balustres (XVIIe siècle), complètent l’enclos.






Les Johnnies étaient des marchands d'oignons roscovites, qui, à partir du XIXe siècle, partaient chaque année en août, de l'autre côté de la Manche pour vendre leurs oignons.





Le colportage de légumes a commencé au départ de Roscoff par voie de terre vers l'ouest de la France à la fin du XVIIIe siècle au cours de la crise économique qui a précédé la Révolution. Un demi-siècle plus tard, en 1828, un cultivateur roscovite, Henri Ollivier, affrète une gabarre, la charge d'oignons et avec trois compagnons se dirige vers l'Angleterre.




Tel fut l'initiateur et le fondateur du commerce d'oignons en Grande-Bretagne. Là-bas, les vendeurs furent appelés en anglais Johnnies (« les petits Jean ») ou Johnnies Onions, et en gallois Sioni Wynwns (translittération en gallois de "Johnny Onions").




Le terme est passé en breton : ar Johnniged. Ils ont été surnommés ainsi car, à cette époque, ils emmenaient avec eux leurs enfants, âgés d'une dizaine d'années et petits par la taille, Yann, équivalent de John, et Yannik, équivalent de Johnny, étant en breton, des prénoms très usuels.