samedi 14 décembre 2013

Verdun est la France et la France est à Verdun

"Il n'y a pas de vainqueur de Verdun. C'est le poilu qui a gagné la bataille." Pétain 


Le devoir de transmettre
De ce bouleversement sans précédent dans l’histoire de l’humanité émergent les fondements du 20e siècle et de nos sociétés contemporaines. Les grandes révolutions scientifiques et technologiques, les affrontements idéologiques, les nouvelles expressions ou ruptures artistiques et intellectuelles sont encore présents dans nos sociétés contemporaines et participent à notre compréhension du monde.
Aujourd’hui, alors que le dernier survivant de la Grande Guerre a disparu, les repères et les connaissances transmises au sein des familles ne sont plus spontanément acquis par les nouvelles générations.
L’accomplissement moderne du devoir de mémoire passe par l’obligation de donner  à tous les visiteurs des sites  de la Grande Guerre la capacité  de situer son environnement historique, à identifier ses enjeux, à comprendre ses prolongements et ses enseignements.


Un passé assumé au présent
Le Centenaire de la Grande Guerre est porté en Meuse par un tissus très large d’associations et d’acteurs qui, au nom de la mémoire combattante, préservent, aménagent, animent le patrimoine mémoriel le plus important de ce conflit en Europe.
Cet ancrage du souvenir dans la population meusienne traduit le traumatisme issu de la Grande Guerre pour ce département dont le développement fut contraint par les conséquences et les stigmates physiques et économiques du conflit.
Il s’exprime d’abord dans la reconnaissance du dévouement des combattants qui se sont battus ou sont morts sur le sol de Meuse.
« Pas un village français qui n’ait inscrit sur son monument aux morts le nom d’un de ses fils tombé à Verdun et en Meuse. »

Un patrimoine et une mémoire universels
La bataille de Verdun est le symbole universel de la guerre de 14/18.
La violence des combats entre Français et Allemands a laissé place, bien des années après, à une réconciliation que symbolise en 1984 la main-tendue entre François Mitterrand et Helmut Kohl devant la nécropole de Douaumont.
L’universalité de Verdun exprime la souffrance des combattants de cette guerre, de toutes les guerres, et un message de paix adressé à toutes les nations.

Verdun et son champ de bataille
De l’horreur de la bataille de Verdun a jailli la force des symboles : la défense du sol de la patrie, l’abnégation du poilu, la victoire du « Droit ». Sur ces symboles s’est érigé un mythe : chez les combattants, il y a « ceux qui ont fait Verdun » et les autres ; dans les domaines politiques et militaires, Verdun a reçu les plus hautes personnalités. Les distinctions les plus élevées des pays alliés l’ont honoré. Après la guerre, le mythe prend corps dans la ville avec le monument à la Victoire et sur le champ de bataille avec l’ossuaire et la nécropole de Douaumont. L’un et l’autre vont cristalliser les célébrations – dans le silence du recueillement ou des discours – pour la victoire, les morts, puis la réconciliation franco-allemande autour du nom de Verdun.
En 1916, la région fortifiée de Verdun, est l’objectif d’une offensive allemande qui mobilise des moyens considérables. S’emparer de la ville de Verdun serait une grande victoire pour l’Allemagne et le commandement allemand considère que la France devra jeter toutes ses forces dans la défense de la ville ; l’armée française y épuiserait alors durablement ses unités sous le pilonnage  d’une puissance de feu encore inégalée. Celle-ci se déchaîne le 21 février 1916, pulvérisant les hommes et les abris. Les dix mois d’affrontement verront s’abattre sur les soldats environ 60 millions d’obus faisant plus de 300 000 tués et 450 000 blessés français et allemands. Même s’ils permettent de gagner du terrain en direction de Verdun pendant quatre mois, les assauts allemands buttent sur une résistance française dans laquelle les régiments se sacrifient.
L’assaillant est contraint à une guerre d’usure qui provoque autant de pertes des deux côtés. Le plan allemand a échoué. Le paroxysme de la violence du feu et de la lutte – où la volonté des combattants prend une part essentielle -, le degré de souffrance endurée par les hommes, l’ascendant moral né de la victoire et l’intense exploitation qui en est faite par l’arrière, érigent la bataille de Verdun en symbole de toute la Première Guerre mondiale.
Aujourd’hui, sous couvert forestier, le champ de bataille de Verdun est devenu le pôle moteur de la mémoire de la Grande Guerre en Meuse, tant par son histoire que par sa mémoire. Il regroupe les principaux sites mémoriels français : l’ossuaire et la nécropole de Douaumont, la Tranchée des baïonnettes, les forts de Vaux et de Douaumont, auxquels s’ajoutent de nombreux vestiges de boyaux, tranchées et ouvrages fortifiés.

Dans Verdun : le Centre mondial de la Paix, des Libertés et des Droits de l’Homme
Inauguré en 1994, le Centre Mondial de la Paix se situe dans le Palais Episcopal de Verdun (édifice classé du XVIIIe siècle). Il a pour vocation de sensibiliser aux conflits de tous ordres. Ce lieu est également un pôle mémoriel qui regroupe les bureaux de plusieurs associations mémorielles meusiennes.

Dans Verdun : la Citadelle souterraine de Verdun
Celle-ci fut la base logistique qui s’avéra indispensable aux Français lors de la bataille de Verdun en 1916. C’est dans ses galeries qu’ont été reçus pendant la bataille les personnalités officielles et les généraux (Clémenceau, Joffre, Pétain et le président Poincaré) venus s’informer de l’évolution des combats ou féliciter et récompenser les soldats. C’est également dans cette citadelle que fut choisi le soldat inconnu en 1920.

À Fleury-devant-Douaumont : le mémorial de Verdun
Situé sur l’emplacement de la gare de Fleury, ce musée a été inauguré le 17 septembre 1967 par le ministre des Anciens Combattants André Duvillard en présence de Maurice Genevoix, ancien combattant des Eparges, écrivain célèbre et Académicien. Genevoix deviendra célèbre pour ses écrits de guerre ; il fera énormément, jusqu’à sa mort au début des années 1980, pour maintenir vivant le souvenir des soldats de la Grande Guerre. Un de ses ouvrages : « Ceux de 14 ».


Les forts de Vaux et Douaumont
Ces sites de mémoire emblématiques sont gérés par la Mission Histoire du Conseil général  la Meuse.
Le fort de Douaumont : le fort de Douaumont est le plus puissant ouvrage de la place-forte de Verdun. Enlevé par les soldats allemands 4 jours après le début de la bataille de Verdun, il sera occupé pendant huit mois par ces derniers, qui en feront un abri pour les troupes et un point d’appui essentiel pour poursuivre l’offensive. Malgré plusieurs tentatives de reconquête, ce n’est que le 24 octobre 1916 que le fort sera reconquis.
Le fort de Vaux : il est, dès le début de la bataille de Verdun, un des objectifs prioritaires de l’offensive allemande.

Début mars 1916, les Allemands, parvenus à quelques centaines de mètres de l’ouvrage, engagent un siège de cent jours. À l’intérieur, soumis à un déluge d’artillerie, la résistance s’organise. Le 1er juin, les Allemands atteignent le fort : la garnison française, isolée, sans soutien extérieur, va mener une semaine de combats héroïques, avant d’être vaincue par l’épuisement de ses forces.




























L’ossuaire et la nécropole de Douaumont
Ce monument de 137 mètres de long abrite en sous-sol des fosses recevant les ossements d’environ 130 000 soldats français et allemands anonymes. Sa façade principale est décorée des armoiries des villes qui ont contribué à son exécution. Au sommet de la tour de 46 mètres se trouvent la Lanterne des Morts, qui éclaire le champ de bataille, ainsi qu’une cloche en bronze de 2 042 kg. Du haut de cette tour, on peut admirer le panorama sur l’ensemble du champ de bataille.
En face de l’ossuaire s’étend l’immense nécropole nationale où ont été regroupés 16 142 soldats français.














La tranchée des baïonnettes

En 1919, le colonel Collet, qui avait commandé le 137e régiment d’infanterie, se rendit sur les lieux où s’était battu son régiment. Il découvrit une ligne de fusils qui jalonnaient l’ancienne tranchée et émergeaient de l’herbe drue. Les fouilles permirent de reconnaître que les fusils appartenaient bien à des hommes du 137e R.I. en 1920, André Ventre, architecte des monuments historiques, construisit le monument de la Tranchée des Baïonnettes. Dans le béton du porche d’entrée, on lit : « À la mémoire des soldats français qui dorment debout, le fusil à la main, dans cette tranchée. (Leurs Frères d’Amérique).






Les villages détruits
De nombreux villages meusiens furent touchés par les bombardements de la Grande Guerre, notamment dans la région de Verdun. Neuf villages totalement détruits (Beaumont-en-Verdunois, Bezonvaux, Cumières-le-Mort-Homme, Douaumont, Fleury-devant-Douaumont, Haumont-près-Samogneux, Louvemont-Côte-du-Poivre, Ornes, Vaux-devant-Damloup), situés en « zone rouge », ne furent jamais reconstruits.




Rendre visible l’invisible
Le patrimoine Grande Guerre de la Meuse est exceptionnellement riche. Il repose sur un socle de 479 sites frappés du sceau de l’authenticité. Ces 479 sites, accessibles aux visiteurs (pèlerins) sont répartis sur cinq zones historiques :
  • Le champ de bataille de Verdun,
  • La ville de Verdun,
  • L’Argonne,
  • Le saillant de Saint-Mihiel,
  • L’arrière-front français.
Le fort de Douaumont ; Mémoires d’une forteresse
Entre 1873 et 1914, les frontières de l’Est résonnent du grondement incessant des chantiers de construction de nouvelles fortifications. Deux siècles après Vauban et quelques décennies avant Maginot, le général Séré de Rivières, à l’initiative d’un ambitieux programme de nouvelles défenses, ajoute son nom à la liste des bâtisseurs de forteresses.
En 1916, le fort de Douaumont, issu de ces travaux de fortification, est plongé dans le creuset de la bataille devant Verdun. Enjeu pendant des mois de combats acharnés dont elle porte les stigmates, la forteresse tremble et craque sous le pilonnage incessant des artilleries allemandes et françaises.
Imposée par le traité de Francfort de 1871, l’annexion de l’Alsace-Lorraine prive la France d’un grand nombre de places militaires et crée 285 kilomètres de nouvelles frontières. Réorganisant le défense du territoire, le général Séré de Rivières propose en 1872 un programme de fortifications ambitieux et novateur qui trouve sa plus grande intensité en Lorraine, et notamment devant Verdun où il faut moins de dix ans, de 1874 à 1884, pour faire émerger une nouvelle forteresse. Pourtant le fort de Douaumont en est absent.
Le projet de Séré de Rivières, présenté en juin 1873, souligne la remarquable position du « Signal de Douaumont ». Perché à 388 mètres d’altitude, il domine les approches nord-est de Verdun et on prévoit d’y établir une fortification de premier ordre. À peine décidé, le projet pour Douaumont est reclassé en deuxième urgence. Ce n’est qu’à partir de 1880 que l’implantation du fort est remise à l’ordre du jour. Finalement, les travaux débutent en 1885, douze ans après les premiers projets de Séré de Rivières.
En 1886, le premier fort de Douaumont, inachevé, doit s’adapter aux récents progrès de l’artillerie que la crise de « l’obus-torpille » a brutalement  mis en lumière. Les travaux de renforcement sont entamés en 1887, bientôt suivis par plusieurs étapes de modernisation qui ne seront pas totalement achevées en 1914.

À partir de 1880, l’artillerie réalise une série de progrès techniques dont le point culminant est atteint en 1886, quand l’apparition des « obus-torpille » remet largement en cause la capacité de résistance des fortifications récentes. Dès 1880, il est possible de faire éclater des obus avant l’impact au-dessus des forts et de neutraliser leur artillerie à l’air libre sous une pluie de balles et d’éclats.
En 1885, alors que le fort de Douaumont est déjà en chantier, un nouveau procédé permet de fluidifier, pour le couler dans l’enveloppe d’un obus, un puissant explosif chimique baptisé « mélinite » à cause de son apparence de miel liquide. Testés sur des fortifications, les nouveaux « obus-torpille » chargés de mélinite provoquent un effet destructeur sur les maçonneries.
À cela s’ajoutent les progrès des canons et des obus. Les calibres des pièces grossissent, la portée atteint 15 kilomètres, la cadence des tirs est multipliée et leur précision grandit.
En 1887, les travaux de construction du fort sont déjà trop avancés pour envisager de tout reprendre à zéro. On décide de recouvrir la caserne d’une carapace en béton. Les maçonneries encore fraîches sont dégagées et doublées par des piliers et des murs en béton, en laissant un mètre d’interstice entre l’ancienne maçonnerie et le béton afin d’y couler un coussin de sable qui fera tampon. Sur les voûtes  décapées, on étale aussi un lit de sable épais d’un mètre, puis on achève la carapace en coulant des nappes de béton d’épaisseur variables, de 1.50 m à l’est à 2.50 m à l’ouest du fort. Prévue pour résister à des obus de 210 mm, cette coque de béton a offert une bonne tenue d’ensemble, mais face à des calibres souvent supérieurs (380, 400 et 420 mm), les secteurs à carapace fine (épaisseur 1.50 m) ont montré des faiblesses.
Si les travaux de renforcement par bétonnage donnent au fort une nouvelle capacité de résistance, il faut revoir son armement et améliorer sa protection afin de lui permettre d’être actif en toute occasion. Entre 1903 et 1913, le fort de Douaumont, pilier de la défense de Verdun au nord-est, va recevoir une panoplie complète de cuirassements. 1902-1903 : deux tourelles pour deux mitrailleuses, 1909 : une tourelle d’artillerie pour un canon de 155 mm, en mars 1909 : une tourelle pour deux canons de 75 mm. Enfin, deux guérites-observatoires, cuirassements fixes à l’épreuve seulement des balles et des petits éclats sont posées à l’arrière du fort pour surveiller les approches, elles seront totalement détruites en 1916.
Un an avant le début de la Première Guerre mondiale, le fort de Douaumont, vaisseau-amiral de la forteresse verdunoise est achevé. Coût : 5.5 millions de francs-or sur un total pour Verdun de 70 millions. Le fort est prévu pour abriter 650 hommes et officiers  et 200 hommes assis. En 1914, la garnison du fort s’élève à 7 officiers et 477 hommes et sous-officiers, complétés par des éléments issus des régiments de la place.



1914-1918 – Le fort de Douaumont dans la bataille de Verdun

1914 – Verdun, un « hérisson » dans la guerre de mouvement
Dès les premiers jours de septembre, la Ve armée allemande contourne Verdun par l’ouest, évitant soigneusement de s’approcher de ce hérisson fortifié armé par un millier de pièces d’artillerie et tente une percée vers le sud. À la fin de l’automne 1914, les armées se figent dans une guerre de position. La place forte se trouve aux deux tiers encerclée, avec des communications réduites, mais ses éléments sont intacts.

1915 – La forteresse désarmée
La forteresse, prévue pour retarder une armée en mouvement, semble inutile dans la nouvelle guerre de position. Les fortifications, même modernisées et renforcées ne résistent pas aux mortiers et obusiers de siège allemands de 305 et 420 mm et le commandement français est convaincu que la fortification n’est plus adaptée au combat moderne. En août 1915, on prélève les munitions disponibles. Les pièces de rempart, les mitrailleuses des tourelles, les canons de 75 mm de la casemate de Bourges et l’artillerie des batteries voisines sont enlevés. Désarmé, privé de l’essentiel de ses troupes et de ses moyens de défense, Verdun devient une proie plus facile. Au courant de la situation, les Allemands décident en décembre 1915 de lancer devant Verdun une offensive qui doit décider du sort de la guerre.



25 février 1916 – Douaumont ist gefallen/ Douaumont est tombé
Le 21 février à l’aube, après deux mois d’intense et secrète préparation, « l’opération Jugement » débute par un formidable bombardement d’artillerie dont le grondement est entendu jusqu’aux Vosges, à 150 kilomètres de là. Appliquant le principe du Trommelfeuer, mille quatre cent canons de tous calibres écrasent pendant neuf heures un front de 12 km, puis l’assaut est donné. Le 25 février, après quatre jours d’intenses combats, les vagues d’assaut poursuivent leur avancée et à 15h00 le « Mont », surnom que les Allemands donnent au fort, est à portée de fusil. Quelques dizaines d’obus allemands de 420 mm l’atteignent sérieusement : la boulangerie est détruite, les casemates défendant la porte d’entrée s’effondrent, dans l’après-midi du 25 février 1916, le fort, bombardé par les obus de 210 mm, désarmé et privé de sa garnison ne compte qu’une soixantaine de défenseurs. Renseignés sur la faiblesse des défenses, des éléments d’infanterie atteignent la porte, entrent dans le fort laissé sans surveillance et font prisonnière la garnison.
À 16h30, le fort de Douaumont est aux mains des Allemands, et une victoire rapide devant Verdun leur semble à portée. Le 26 février, les efforts désespérés des unités françaises freinent l’élan offensif. Plusieurs tentatives pour reprendre le fort échouent. Durant huit mois, c’est-à-dire l’essentiel des dix mois que durera la bataille de Verdun, les Allemands vont faire du fort de Douaumont un point d’ancrage essentiel dans une bataille où chaque mètre de terrain sera désormais durement disputé.

L’organisation du fort par les Allemands
Dès leur arrivée, les Allemands désamorcent les charges de destruction qui devaient éviter de laisser le fort intact à l’ennemi. Le « Mont » est alors transformé en abri pour les troupes et en base logistique. Et devient alors l’un des principaux points d’entrée du champ de bataille.
Rapidement, les Allemands s’adaptent à la menace que font peser les tirs de plus en plus nourris de l’armée française. Si celle-ci n’est pas en mesure de percer la carapace du fort, elle pilonne sans arrêt ses extérieurs. Abri sûr, le fort est aussi un excellent observatoire.


Une armée piégée dans les profondeurs du fort
Werner Beumelburg (1899-1963) écrivain allemand, officier en 1917: « Ceux qui se rendaient à l’avant se croisaient pendant la nuit dans le fort avec les éléments relevés en première ligne. Dans les couloirs du fort étaient aussi assis les blessés légers qui s’étaient traînés de l’avant jusqu’à l’ouvrage et attendaient leur enlèvement. Chaque nuit également, les corvées traversaient le fort avec leurs lourdes charges de bois de mine, de fil de fer barbelé et de piquets de fer. Les corvées de soupe s’y reposaient aussi encore une fois et les observateurs d’artillerie de tout le secteur s’y rencontraient  avec le tumulte des coureurs et des brancardiers qui maintenaient la liaison entre les états-majors et la première ligne. Toute cette circulation, qui amenait, nuit après nuit, bien plus de mille hommes çà traverser le fort dans les deux sens, s’effectuait dans une obscurité presque complète et dans un lacis de couloirs qui portaient les traces visibles  des terribles bombardements. En outre on se hâtait toujours d’arriver au fort, mais on retardait toujours le moment d’en sortir, et cela provoquait à l’intérieur un embouteillage dangereux. […]
C’était aussi un travail de Sisyphe que de mettre, dans ces conditions, le fort dans un état d’ordre et de propreté  à peu près acceptable. Des vivres avariés répandaient une odeur pénétrante, qui se mêlait à celle du chlore et du phénol. Les morts de la semaine dernière n’avaient même pas pu être ensevelis sommairement. Des munitions françaises et allemandes gisaient mélangées, de tous côtés, et constituaient un danger d’explosion permanent et formidable quand on songe que les troupes qui chaque nuit traversaient le fort s’asseyaient souvent, fumant et bouquinant, sur des caisses pleines de poudre française et qu’elles passaient, étroitement serrées les unes contre les autres, garnies de grenades à tige dont le tire-feu pendait souvent librement ? »

La catastrophe du 8 mai 1916
Dans ce fort où étaient concentrés autant d’hommes et de munitions, la catastrophe qui pouvait survenir à tout instant arriva à l’aube du 8 mai 1916. Quelques Bavarois rescapés du 52e R.I., installés dans le couloir tentaient de chauffer leur repas avec la poudre contenue dans une grenade ; mais la grenade, défectueuse, explosa. Les éclats touchèrent les caisses de munitions et percèrent un lance-flammes dont l’huile s’embrasa. Le feu atteignit les caisses de fusées et un stock d’obus français (tourelle de 155 mm).
Dans les entrailles du « Mont » plongé dans le noir, envahi par les fumées toxiques, ce fut la panique. Il faudra plusieurs jours pour dégager et rassembler  les restes disloqués des victimes : il y eut officiellement 679 morts identifiés et 1 800 blessés. Faute de pouvoir les enterrer à l’extérieur du fort, on regroupa les corps dans les magasins à munitions I et II dont les portes furent murées.
Outre les importants dégâts occasionnés au fort, l’impact moral fut immense pour les combattants allemands, l’image du « Mont », refuge sûr à l’abri sous sa carapace de béton, s’effaçait désormais devant celle du Sargdeckel, le couvercle recouvrant le cercueil.


22-25 mai 1916 – Douaumont assiégé
Dès le 10 avril 1916, les Français qui ne sont qu’à quelques mètres, envisagent de reprendre la crête de Douaumont. Cinq jours de préparation de l’attaque par l’artillerie étaient prévus, mais faute de munitions et d’artillerie lourde suffisante, le pilonnage est réduit à deux jours et ne parvient pas à briser la coque de béton du « Mont ». L’assaut est lancé le 22 mai. Mais les Français n’arrivent pas à prendre pied dans les entrailles du « Mont » où les Allemands ont renforcé les défenses. Le 24 mai, les Français qui se cramponnaient au massif fortifié sont refoulés ou faits prisonniers. Le 74e R.I. perd la moitié de ses hommes et la 5e division d’infanterie a perdu 5 000 combattants, soit 50% de son effectif. C’est l’échec du côté français.
24 octobre 1916 – La reprise du fort
C’est en automne qu’une nouvelle offensive, soutenue par une puissante artillerie, portera le coup de grâce à la résistance du « colosse blessé ». Les canons français de 400 mm sur voie ferrée tirent avec précision à plus de 15 km des obus d’une tonne munis d’une fusée à retard qui explosent après avoir pénétré le bétonnage du fort. De nombreux points du fort de Douaumont sont détruits, un obus explose dans le dépôt du génie et déclenche un incendie (50 hommes ont péri brûlés). Face à cette situation, les Allemands évacuent temporairement 400 défenseurs du fort. Au soir du 23 octobre 1916, il ne reste qu’une poignée de défenseurs qui tentent de circonscrire l’incendie.
Le 24 octobre 1916, l’assaut français reprend en quelques heures le terrain gagné par les Allemands depuis six mois. Les troupes du régiment d’infanterie coloniale du Maroc obtiennent en trente minutes la reddition de la garnison allemande.

1917-1918 – La remise en état de défense du fort de Douaumont
Dans les mois qui suivent la reprise, les Français s’activent à remettre le fort dévasté en état de défense. Quelques bombardements allemands freinent les travaux comme le 14 décembre 1916. Durant les années 1917 et 1918, le fort fait l’objet d’un important programme de réorganisation défensive.


C’est par l’évocation de ce drame que je conclue mon hommage à l’occasion du centenaire du déclenchement des hostilités de la Première Guerre Mondiale, avec mes pensées tournées vers nos nombreux arrière-grands-pères et grands-pères qui ont été entraînés dans cette innommable boucherie.
Les extraits de textes que j’ai utilisés sont tirés de :
  • Le fort de Douaumont, Mémoires d’une forteresse de Airy Durup de Baleine,
  • Le fort de Vaux, Une sentinelle devant Verdun, de Airy Duruo de Baleine
  • Verdun, guide historique & touristique d’Yves Buffetaut
  • L’Oublié de la mémoire de Mickaël Mourot
  • Verdun – 21 février 1916-18 décembre 1916 de Raymond Secher, Guy Lehideux et Jean-Claude Casini
  • Le centenaire de la Grande Guerre en Meuse du Conseil Général de Meuse
  • 14-18 – Sites de la Guerre 1914-1918 en Meuse (Michelin – Conseil Général de Meuse)
Le Verdunois n'a pas été épargné par la Deuxième Guerre Mondiale (D.G.M.). 
DGM c'est aussi moi-même: Didier-Georges-Michel!

Toutes ces images ont été prises par Didierduboutdumonde le 2 décembre 2013