samedi 12 octobre 2013

Contre une austérité à perpétuité. Sortir de l’euro ?

«  - En fait, nous sommes déjà sortis de la zone euro », a admis Nicos Anastasiades, président de Chypre, un pays où les billets n’ont plus la même valeur qu’en Grèce ou en Allemagne. L’explosion de la monnaie unique aurait-elle commencé ? Contre le scénario du chaos, l’idée d’une sortie de l’euro concertée et organisée fait son chemin. Beaucoup continuent à croire qu’on va changer l’euro. Qu’on va passer de l’euro austéritaire présent à un  euro  enfin rénové, progressiste et social.

L’euro actuel procède d’une construction qui a eu pour intention de donner toute satisfaction aux marchés de capitaux et d’organiser leur emprise sur les politiques économiques européennes. Tout projet de transformation significative de l’euro est un projet de démantèlement du pouvoir des marchés financiers et d’expulsion des investisseurs internationaux du champ de la construction des politiques publiques. Jamais les marchés ne laisseront s’élaborer tranquillement un projet qui a pour évidente finalité de leur retirer leur pouvoir disciplinaire. Sitôt qu’un tel projet commencerait d’acquérir un tant soit peu de consistance politique et de chances d’être mis en œuvre, il se heurterait à un déchaînement de spéculation et à une crise de marché aiguë qui réduirait à rien le temps d’institutionnalisation d’une construction monétaire alternative, et dont la seule issue serait le retour aux monnaies nationales.

La gauche-qui-continue-d’y-croire n’a le choix qu’entre l’impuissance indéfinie ou bien le retour aux monnaies nationales, son projet de transformation de l’euro commencerait à être pris au sérieux.
La gauche ? Certainement pas le Parti socialiste (PS) qui n’entretient plus avec l’idée de gauche que des rapports d’inertie nominale, ni la masse indifférenciée de l’européisme, qui, silencieuse ou béate pendant deux décennies, vient de découvrir les tares de son objet chéri et réalise, effarée, qu’il pourrait bien partir en morceaux.
Mais on ne rattrape pas en un instant une aussi longue période de sommeil intellectuel bienheureux.
File:50 Eurobanknoten in der Hand aufgefaechert.JPG
L’européisme protestera que son Europe aimée ne cesse au contraire de faire des congrès. Fonds européen de stabilité financière (FESF), mécanisme européen de stabilité (MES), (deux fonds d’assistance aux pays endettés), rachat de dette souveraine par la BCE (programme de la BCE de rachat de titres souverains), union bancaire : autant d’avancées sans doute un peu douloureusement acquises mais bien réelles. Malheureusement, aucune ne s’en prend au cœur même de la construction, ce noyau dur dont émanent tous les effets dépressionnaires et antidémocratiques : exposition des politiques économiques aux marchés financiers, banque centrale indépendante, obsession anti-inflationniste, ajustement automatique des déficits, refus d’envisager leur financement monétaire. 
File:Euro banknotes.png
Ainsi, les avancées demeurent-elles périphériques, rustines destinées à accommoder comme elles peuvent les plus désastreuses conséquences que le cœur granitique et sanctuarisé, ne cesse de produire.

Ravaudant les effets sans jamais vouloir s’en prendre aux causes, l’Europe, donc, persévère. Incapable de la moindre révision de fond, et inconsciente du fait que la rupture est le seul destin qu’elle se donne. (Frédéric Lordon in Le Monde diplomatique – août 2013)

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