Les images qui suivent ont été prises le 15 et le 16 mai
2017, ce sont trois cimetières militaires allemands : le cimetière
militaire allemand de Saint-Mihiel dans la forêt domaniale de Gobessart (6046
soldats allemands de la Guerre 14-18), le cimetière militaire allemand d’Epinonville
(1151 soldats allemands de la Guerre 14-18) et le cimetière militaire allemand
de Romagne-sous-les-Côtes (2226 soldats allemands de la Guerre 14-18).
Il y a 30 nécropoles
allemandes dans le seul département de la Meuse. Les plus importantes sont
celles de Consenvoye (11146 soldats), de Hautecourt (7885 soldats) et de Cheppy
(6130 soldats). Dans les 30 cimetières militaires allemands de Meuse sont
enterrés 85400 soldats allemands.
Il y a des cimetières
militaires allemands en France… mais ils ne sont pas très beaux. Le traité
de paix signé à Versailles en 1919 avait attribué la charge d’aménager les
cimetières au pays où les morts étaient tombés. Les Français ont donc organisé,
sur leur territoire, ceux destinés aux morts allemands, tandis que les
Allemands s’occupaient de ceux pour les prisonniers français décédés en
captivité. Mais les Français ont fait le minimum. Ils ont aussi écarté les
nécropoles allemandes des lieux sacrés. Par exemple, pour la bataille de
Verdun, le cimetière allemand le plus proche de l’ossuaire et de la nécropole
française de Douaumont (16 000 tombes) se trouve à 14 kilomètres de là !
Jusqu’en 1926, les Français se sont occupés seuls des nécropoles allemandes.
Puis ils ont accepté qu’une association privée allemande les aménage, ce qu’ont
fait des étudiants germaniques bénévoles pendant leurs vacances. Ceci explique
pourquoi on ne trouve pas de beaux cimetières allemands en France. Alors qu’il
y en a ailleurs, du côté d’Ypres (théâtre de la bataille des Flandres)
notamment, en Belgique, avec de très belles sculptures.
Pourquoi les croix
des cimetières militaires allemands implantés en France sont-elles généralement
noires ? La première explication voudrait que les allemands aient
simplement choisi cette couleur car elle est pour eux symbole de deuil. De la
même façon, ils ont choisi la façon dont étaient implantés les croix, ainsi que
les différentes essences d'arbres et de plantes qui agrémentent ces cimetières.
Ce dernier point est confirmé par la Convention Franco-Allemande de 1966 mais
celle-ci ne fait nulle mention des couleurs des croix.
Une autre théorie prétend que, jusqu’en 1966, les cimetières
allemands de la Grande Guerre étaient sous tutelle administrative française.
Chaque tombe était alors matérialisée par une croix de bois recouverte d’une
couche de bitume afin d’éviter le pourrissement. Les Allemands ont ensuite
remplacé ces croix de bois par des croix en alliage fonte et aluminium mais en
conservant l’aspect sombre d’origine.
La troisième explication, très répandue celle-là, affirme
que cette couleur a été attribuée par les alliés au lendemain de la Première Guerre Mondiale afin de
distinguer leurs tombes blanches et immaculées de celles des vaincus jugés
responsables de la barbarie sans nom qui vient de s'achever. Certains pensent
même que cette décision est inscrite dans le Traité de Versailles, mais si un
chapitre est bien consacré aux sépultures dans ce texte il n'est toutefois fait
aucune mention de ce détail colorimétrique (En lisant le Traité de Versailles on
comprend pourquoi il y a eu une deuxième Guerre Mondiale).
Il est d'autant plus difficile de démêler le vrai du faux
que l'on trouve des exceptions dans certains cimetières allemands implantés en
France, avec parfois des croix en pierre, en grès ou en schiste. La vérité
emprunte sûrement un peu à chaque théorie. Une certaine liberté aurait été
laissée pour l'agencement des cimetières militaires suivant les pratiques
culturelles de chaque nationalité (disposition des tombes, orientation,
indications, gestion des espaces verts...), mais un régime particulier aurait
tout de même été imposé aux vaincus (tombes noires et absence de drapeau).
Cette thèse serait d'autant plus crédible que le noir n'entrerait apparemment
pas dans la tradition mortuaire germanique (à l'arrière du front les sépultures
militaires allemandes sont généralement surmontées de croix blanches).
Ce qui est sûr c'est que c'est l'Allemagne qui paie
l'entretient de ces cimetières et nécropoles, par l'intermédiaire du Volksbund
Deutsche Kriegsgräberfürsorge qui a pour mission de recenser, préserver et
entretenir les tombes de soldats allemands à l'étranger. L'Etat français a
accordé à l'Allemagne (plus précisément à la République Fédérale d'Allemagne de
l'époque), la libre disposition des terrains sur lesquels sont implantés des
nécropoles ou des cimetières militaires allemands, gratuitement et sans
limitation de durée. Mais les terrains restent la propriété de l'Etat français.
En forêt de Gobessart (Cimetière allemand de Saint Mihiel) -
C'est un cimetière militaire allemand comme les autres, parfaitement entretenu,
avec des haies taillées qui le clôturent, planté de quelques arbres, mais isolé
au beau milieu de la forêt... à quelques kilomètres de Saint-Mihiel.
Comme les autres, les belles portes d'entrée en bronze ont
été dérobées. Comme les autres, il a ses croix noires, alignées ici de façon
conventionnelle, où se mêlent quelques stèles juives. Entre les lignes, on peut
voir des plaques gravées portant plusieurs noms. Comme dans certains autres, de
belles sépultures sculptées ont été conservées et regroupées au fond du
cimetière, de part et d'autre du monument central, ici surmonté d'une belle
sculpture allégorique en pierre. Comme les autres, il est dépourvu de drapeau. Comme
les autres, les noms des soldats de l'ossuaire sont portés par de grandes
plaques sombres, disposées de part et d'autre du monument et l'on peut déplorer
le vol cet hiver d'une partie d'entre elles. La présence d'une bougie prouve
que le lieu n'est pas tombé dans l'oubli et que l'on vient ici honorer un aïeul
tombé sur cette terre. Parmi les sépultures sculptées, on remarque la présence
de monuments offerts par des camarades…
Le cimetière allemand de Gobessart - Situé à 4 kilomètres au
sud-est de Saint-Mihiel sur les hauteurs dominant la ville, le cimetière
allemand de Gobessart regroupe 6 046 corps de soldats, principalement tombés en
1914 et 1915, dont 2 austro-hongrois. Une illustration de la mort de masse et
de la dimension des combats visant à réduire le saillant de Saint-Mihiel en
1915 - Dès le 20 septembre 1914, les Allemands attaquent sur les
Hauts-de-Meuse, au nord-est de Saint-Mihiel. Le dispositif défensif français se
réarticule afin de continuer à couvrir Verdun. La ville de Saint-Mihiel est conquise
le 24 septembre. Les gains de terrain par les Allemands forment un saillant de
20 km de profondeur dans le dispositif français sur une ligne Les Eparges –
Saint-Mihiel – Pont-à-Mousson. Les opérations françaises de reconquête sont
lancées à partir du 25 novembre 1914 jusqu’en 1915. Ces opérations se
caractérisent par des pertes françaises et se soldent par un premier échec lors
de l’offensive de la Woëvre, en avril 1915. Après cette date et jusqu’en 1918,
le saillant de Saint-Mihiel connait moins d’opérations jusqu’à la reconquête
par les troupes américaines.
L’aménagement du cimetière allemand de Gobessart après le
conflit - Le cimetière de Gobessart est aménagé dès 1914 par l’armée allemande.
Après la guerre, les autorités françaises décident de réorganiser le cimetière
provisoire pour y rapatrier les corps des soldats allemands inhumés dans les
cimetières de 48 communes, ainsi que deux monuments commémoratifs allemand. Le
Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge (VDK) commence les travaux d’aménagement
du cimetière dès 1930, puis remplace les croix de bois par des croix en métal
et réhabilite les espaces verts.
Le monument
commémoratif du cimetière - Au centre du cimetière se dresse un monument
commémoratif, dominant l’ossuaire, bordé par un muret en grès rose des Vosges.
Le monument commémoratif est structuré en trois parties : le socle en pierre
calcaire recouvert de plaque en grès rose ; la base rectangulaire du monument
en moellons de calcaire blanc ; la sculpture en pierre de taille. Cette dernière
représente un homme torse nu, les cheveux bouclés et une barbe agenouillé et
regardant vers le bas. Il tient dans sa main droite un casque à pointe aux
armes de la Bavière, une épée reposant sur un drapé est apposé sur sa cuisse
gauche et un fusil dans sa main gauche.
Un bien sélectionné dans le projet UNESCO - Cette nécropole
fait partie de la série de 136 biens français et belge proposés à l’inscription
sur l’ensemble du front occidental. Les sites funéraires et mémoriels de la
Première Guerre mondiale retenus témoignent d’un rapport nouveau à la mort du
soldat – qui s’explique par le caractère industriel et total de cette guerre –
dont résulte un nouveau culte des morts.
Romagne-sous-les-Côtes, une importante base arrière - Dans le village resté intact, les civils restants, femmes, enfants et hommes âgés, sont regroupés puis déportés vers l'arrière. Les maisons sont rapidement réinvesties pour servir de cantonnement, de foyer du soldat ou pour loger les états-majors. Un hôpital est aussi installé dans l'église. Bientôt, le village est électrifié au moyen de petites centrales électrogènes et sillonné par les lignes du réseau de téléphone qui maille toutes les positions de l'arrière front.
Progressivement, les installations vont s'étoffer et
déborder le périmètre du village : au plus fort des opérations allemandes
devant Verdun, ce seront 18 000 soldats allemands qui occuperont le secteur.
Dans le cadre du déploiement d'un réseau de voies ferrées à usage militaire,
Romagne est dotée d'une gare avec dépôt et triage. On implante aussi un
ensemble de boulangeries, tandis qu'un camp de prisonniers russes est installé.
Par ailleurs, le village étant de plus en plus exposé aux tirs de l'artillerie
française et aux bombardements aériens, notamment à partir de 1916, on y
aménage de nombreux blochkaus bétonnés
qui offrent un abri en cas d'alerte.
Romagne garde d'importantes traces de ces années de guerre.
Le village, presque totalement ruiné en novembre 1918 (seules quelques maisons
anciennes ont été conservées) est marqué par l'empreinte architecturale de la
reconstruction qui s'achève avec l'inauguration de la nouvelle église en 1934.
Au pied de l'église, le monument aux morts de la commune associe combattants et
victimes civiles mortes au cours de la déportation en Allemagne. En lisière du
village, un cimetière rassemble les sépultures de 2226 soldats allemands et
rappelle les sacrifices consentis par ces jeunes soldats durant la bataille
devant Verdun.
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