La Voie sacrée ou Voie sacrée nationale est
une route stratégique historique qui relie Bar-le-Duc à Verdun, numérotée
RD1916. Elle fut l'artère principale de la bataille de Verdun. Désignée
simplement comme la route, la
départementale reliant Bar-le-Duc à Verdun était l'artère logistique vitale
de la place de Verdun. Ce n'est qu'après la guerre qu'elle fut baptisée la «
Voie sacrée » par l'écrivain Maurice Barrès, en référence à l'antique Via Sacra
romaine menant au triomphe.
Cette voie dut être entretenue en permanence, car les
camions de transport de matériel et de troupes y défilèrent sans arrêt au
rythme d'un véhicule toutes les quatorze
secondes en moyenne. Durant l'été 1916, 90 000 hommes et 50 000 tonnes de
munitions, de ravitaillement et de matériel l'empruntaient chaque semaine pour
alimenter la fournaise de Verdun. Si un véhicule tombait en panne, il était
immédiatement poussé dans le fossé pour ne pas gêner la circulation. Des
carrières étaient creusées tout le long de la route et des soldats jetaient en
permanence des cailloux sous les roues des camions pour boucher les ornières.
Plusieurs escadrilles
de chasseurs, parmi les meilleures que comptait l'aviation française,
étaient chargées de sa protection contre les attaques aériennes ennemies, à l'exclusion
de toute autre mission.
Cette route était vitale pour la bataille. Le capitaine Doumenc, concepteur du système
de la noria, l'avait d'emblée compris, ainsi que le général Pétain, qui l'a
utilisée pour organiser la noria des troupes. Tous les régiments de l’armée
française sont venus combattre à Verdun. Philippe Pétain avait voulu une
rotation rapide des régiments au front pour toujours opposer aux Allemands des
troupes les plus fraîches possibles. Cette route était d'autant plus importante
que pratiquement toutes les voies ferrées du secteur étaient aux mains des
Allemands, ou sous le feu permanent de leur artillerie.
L'historiographie traditionnelle française de la Première Guerre mondiale a suscité un
ensemble de mythologies nationales, comme celle de la bataille de Verdun et de la Voie sacrée mais a oublié que cette
voie n’était qu’un cas parmi d’autres. De nos jours, elle est matérialisée par
des bornes casquées portant l'inscription N VS (Nationale Voie sacrée).
Jusqu'en 2006, elle était administrativement nommée RN 35. Depuis le
déclassement de la majorité des routes nationales aux départements en janvier
2006, la route est rebaptisée RD1916 en référence à l'année 1916.
Verdun étant situé au fond d'un saillant formé en 1914, la
région fortifiée n'est pas aisée d'accès, car les principales lignes de
communication qui y mènent sont coupées. Avec le début de la bataille du 21
février 1916, la situation devient vite critique, aussi bien que pour le
ravitaillement que pour la relève des troupes ou l'évacuation des blessés.
Comme souvent, c'est le
général Pétain qui résume le mieux la situation dans son livre sur la
bataille de Verdun : il ne s'encombre pas de littérature et a l'esprit
synthétique. Voici les premières lignes de son chapitre sur le problème des
voies de communications :
« Vers le carrefour Regret-Verdun, base avancée des
approvisionnements de l'armée, quatre voies arrivaient de l'arrière :
le chemin de fer venant de Commercy et descendant la Meuse,
inutilisable parce que passant à Saint-Mihiel dans les lignes de l'ennemi ;
le chemin de fer de Sainte-Menehould et Clermont-en-Argonne,
souvent coupé par les obus à hauteur d'Aubréville et par lequel on ne pouvait
amener qu'une partie du matériel du génie ;
le petit chemin de fer à voie étroite, dit Meusien ou
Varinot qui servait au transport des vivres et d'une partie du matériel ;
la route départementale de Bar-le-Duc, sur laquelle
circulaient sans interruption les convois automobiles conduisant à la bataille
les troupes et les munitions. »
Ainsi, sur quatre voies d'accès, deux sont coupées ou sous
le feu de l'ennemi, et une autre n'a qu'une capacité limitée (avec 10 000
tonnes et 73 500 hommes transportés en juin 1916, le Varinot sera surtout
utilisé pour le rapatriement des blessés). Cela
limite donc les possibilités à une seule route la nationale de Bar-le-Duc à
Verdun. Le point d'arrivée de la Voie Sacrée était situé sur la commune de
Nixéville au lieu appelé Moulin-Brûlé. Les derniers 8 kilomètres reliant Moulin
Brûlé à Verdun était sous le feu de l'artillerie allemande.
Pétain décrit ainsi dans son livre La bataille de Verdun les
problèmes rencontrés à partir du 28 février 1916 : « Lorsque, le 28 février,
commença le dégel, la route devint subitement impraticable, il fallait trouver
sans délai un procédé de remise en état, question de vie ou de mort de la 2e
armée. Comme nous ne pouvions pas rechercher des matériaux au loin, ce qui eût
exigé trop de temps et aggravé le problème des transports, je fis ouvrir entre
Bar-le-Duc et Verdun un grand nombre de carrières de pierres tendres du pays,
des équipes de civils et de territoriaux les exploitèrent aussitôt. D'autres
équipes, réparties dans les six cantons, jetaient inlassablement sur la
chaussée les matériaux arrivant des carrières, la file de camions faisait
office de rouleaux compresseur ».
Le général Serrigny
en dit un peu plus long dans ses mémoires : « De son côté Barescut (chef
d'état-major de la 2e armée) étudiant l'arrière s'aperçut bien vite
que le sort de la bataille allait dépendre entièrement du débit qu'on pourrait
obtenir de la route de Bar-le-Duc, le chemin de fer à voie étroite n'était
susceptible en effet que d'un trafic très réduit. Celui de la route était déjà
formidable le 26, les convois montants ou descendants se succédaient presque
sans interruption et il fallait prévoir pour les jours suivants une
intensification encore plus grande de ces mouvements »
Le problème est posé, reste à trouver la solution. Le plus
délicat est de trouver un moyen de réparer la chaussée sans jamais interrompre
la circulation. Le remède est fourni par
le commandant Richard, chef du service des routes : « Richard, qui était en
temps de paix un brillant ingénieur des Ponts et Chaussée, chercha une solution
qui n'était certes pas commode à trouver. Il était doué heureusement d'un
esprit observateur et inventif. En étudiant la question sur place il s'aperçut
que si l'on creusait le sol des champs avoisinant la route de quelques
centimètres seulement on trouverait des cailloux calcaires, insuffisants pour
un empierrement normal, mais susceptibles cependant d'assurer temporairement à
la chaussée la résistance nécessaire. On avait ainsi la matière, mais comment
l'utiliser ? On ne possédait aucun rouleau, en eût-on à sa disposition qu'il
eût fallu renoncer à les employer étant donné l'impossibilité ou l'on se
trouvait d'arrêter la circulation. Richard proposa alors d'échelonner tout le
long de la route des équipes de territoriaux armés de pelles et appelés à jeter
continuellement ces graviers sur la chaussée, les automobiles devaient se
charger de les transformer en ballast. C'est ainsi que pendant des semaines et
des mois, des milliers d'hommes espacés de quelques mètres seulement lancèrent
jour et nuit des pelletées de pierres sans jamais se lasser et maintinrent
finalement la Voie Sacrée en état. Si la bataille de Verdun s'est terminée à
notre avantage c'est donc avant tout grâce à l'ingéniosité du commandant
Richard concernant la logistique. »
Les conditions de vie
des chauffeurs ne sont pas idéales. Au début, les chauffeurs doivent tenir
au volant 18 heures par jour et prennent seulement quelques heures de sommeil
dans le fond de leur camion. Ce rythme infernal peut durer jusqu'à 10 jours
d'affilée. Une discipline de conduite très stricte est imposée par la prévoté.
Il est interdit aux camions de circuler autrement qu'en groupes ou en convois
régulièrement constitués. Personne n'a le droit de doubler, à part les
véhicules sanitaires et les voitures de tourisme, c'est-à-dire celles
d'état-major. Il est bien sûr interdit de doubler dans les villages. Des
vitesses maximales sont imposées : les camionnettes sont les plus rapides,
elles peuvent rouler à 25 km/h. Pour les camions, la vitesse limite est de 15
km/h. Les tracteurs d'artillerie lourde sont limités à 4 km/h, ou 8 km/h s'ils
sont à vide. Il n'est pas inutile de rappeler que la Voie Sacrée est une voie à
double sens, d'une largeur de sept mètres dans ses meilleurs endroits. Dans les
zones autorisées, c'est-à-dire loin du front, l'éclairage nocturne se fait par
lanternes, des fanaux ou des phares blancs. Ailleurs, il faut avoir recours à
des feux bleus, moins visibles.
Il est strictement interdit de s'arrêter sans motif grave.
Et comme nous l'avons vu, les véhicules en panne ne pouvant être remorqués sont
jetés sur les bas-côtés. Les groupes de camions ont leurs insignes propres. On
trouve ainsi le cygne, le trèfle, le coq, etc. Les autres moyens de transports,
convois hippomobiles et fantassins passent sur deux autres routes, plus
étroites et sinueuses, qui sont parallèles à la Voie Sacrée, à l'est et à
l'ouest.
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