La barre d'Etel est un banc de sable en perpétuel mouvement
à l’embouchure de la Ria. C'est la continuation sous-marine du cordon dunaire
de Penthièvre à Gâvres soumis à l'influence des vents et courants de marée. A
marée basse il n'y a parfois pas assez de profondeur pour entrer ou sortir.
Parfois se forment soudainement des déferlantes et vagues de fond imprévisibles
qu'il est préférable d'éviter. Un guetteur de la flotte au sémaphore de
Plouhinec se rappelle quelques jours de 1970 durant lesquels le banc de sable
fermait entièrement la Ria.
Il existe aussi une légende que l'on entend parfois à
l'ombre de la lune, lorsque le soleil s'est endormi derrière l'île de Groix.
Elle raconte comment une jeune et belle Brigitte ou Isabelle, très attentionnée
envers les habitants et les pêcheurs de la Ria, a été enlevée par des pirates
dans les dunes. Alors que le bateau franchit l'embouchure vers le large, elle
lance à la mer une poignée de sable en criant "Stang" - banc de sable
en breton - et la barre naquit, pour protéger les habitants des impétrants en
son absence.
La légende est un peu déstabilisée par le fait que le mot
"Stang" ne génère aucun résultat dans les dictionnaires bretons. On
retrouve toutefois le mot dans le nom de la ville Nostang, où cette fois la signification
du mot serait un étang. Ceci dit, une barre inviolable peut laisser imaginer un
étang mais ce ne sont là que d'approximatives élucubrations. Cet endroit est
envoutant par la puissance que dégagent les courants qui rasent les bords et
qu'on approche à pied avec prudence, l'œil toujours aux aguets. On peut alors
prendre un peu de recul et profiter sereinement du tumulte des éléments, assis
dans le sable à l'abri du flux et reflux des vagues.
Mai 2014 : Le tournage imaginé par Thalassa pour démystifier
les dangers de la barre d'Étel (56) a failli tourner au drame, hier, à 15 h 30.
Chahuté par les éléments, le voilier de 8 m sur lequel les trois reporters
avaient embarqué n'a pu virer à temps, en raison d'une écoute bloquée par un
des cameramen, déstabilisé. Le voilier s'est dangereusement rapproché de la
côte, poussé par les fortes vagues attisées par un vent forcissant, et s'est
couché. Le mât a même été immergé un instant et la grand-voile s'est déchirée.
Mais le skipper a réussi à faire « beacher » le bateau. Les cinq personnes à
bord ont pu sauter sur la plage sans dommage. Sauf pour le matériel : une
caméra a notamment été détruite. En tournage déjà pour un reportage sur la ria
d'Etel, l'équipe avait repéré deux marins qui s'entraînaient. Sollicités, ils
ont accepté d'embarquer l'équipe pour une séquence sur les dangers de la barre
d'Étel, a expliqué le skipper du voilier, un marin de Plouhinec (56), très
expérimenté et enseignant au lycée maritime. L'alerte a été donnée via le
sémaphore. Les gendarmes d'Etel se sont rendus sur les lieux de même que les
sauveteurs de la SNSM et les pompiers avec leur jet-ski. À cause de la quille
trop enfoncée dans le sable et de la marée descendante, un remorquage immédiat
n'a pas été possible. Le bateau a donc été remonté sur le haut de la plage, à
l'aide d'une tractopelle de la commune d'Etel.
Le 3 octobre 1958, Alain Bombard, à bord d'un canot de
sauvetage qu'il a inventé, tente de franchir la "barre d'Etel",
grande lame qui se forme à l'embouchure de la ria par la rencontre de la marée
montante et de l'écoulement des eaux du fleuve. L'expérience tourne au drame :
l'embarcation se retourne. Puis le bateau de sauvetage venu les secourir
chavire à son tour. Le bilan est lourd : neuf morts dont trois appartenant au
canot d'Alain Bombard. Ce drame a une répercussion médiatique importante et
marque profondément le principal protagoniste. Pourtant les canots Bombard
contribuent par la suite à sauver de nombreuses vies.
Alain Bombard, né à Paris en 1924, médecin et biologiste,
s'est rapidement préoccupé de la question de la survie en mer. En 1952,
chercheur au musée océanographique de Monaco, il embarque, avec Jack Palmer, à
bord d'un "zodiac" doté d'une voile, L'Hérétique. Emportant
simplement un sextant, un filet à plancton et du matériel de pêche, ils
touchent terre à Tanger. Bombard repart seul et traverse l'Atlantique, arrivant
à la Barbade le 23 décembre 1952 après 113 jours de mer, sa santé en étant
gravement altérée. A la suite de la publication de son récit en 1954, il
acquiert une notoriété internationale. Ayant mis au point un canot pneumatique,
il va tenter de franchir la barre en 1958. La première tentative réussit mais
ne convainc pas. Il procède donc à une seconde tentative. Par la suite il fut
conseiller à l'environnement au Parti Socialiste français, secrétaire d'Etat
auprès du ministre de l'environnement en 1981, puis député européen de 1981 à
1994. Il est décédé en 2005.
Ce petit port, où nos envoyés spéciaux sont arrivés au lever
du jour, c'est le port d'Etel, la ville où les conversations s'arrêtent
lorsqu'on prononce tout haut le nom d'Alain Bombard. Vous savez pourquoi. C'est
parce qu'un matin, semblable à celui-ci, Alain Bombard a voulu prouver aux
marins d'Etel que leur fameuse barre redoutée depuis des siècles de tous les
pêcheurs bretons n'était qu'une vague sans danger pour son canot pneumatique.
Vous vous souvenez aussi de la suite. Le canot d'Alain Bombard et de ses
compagnons retourné, et, la malchance aidant, le bateau des sauveteurs venus à
leur secours faisant naufrage à son tour sur la barre. Sans cet accident du
bateau de sauvetage, il n'y aurait peut-être pas eu de morts ce jour-là à Etel.
Mais le mauvais sort s'en est mêlé et il y en a eu 9. 9 morts, dont 8 Etélois.
Est-ce le mauvais sort qui est coupable ou est-ce Bombard ? Pour les habitants d'Etel,
il n'y a qu'une réponse : c'est Bombard. Et le catafalque géant est associé
dans leurs mémoires aux deux syllabes de son nom.
Etel c’est aussi : Après la crise sardinière qui frappe
Étel comme tous les autres ports sardiniers de la côte sud de la Bretagne,
imitant les marins grésillons, Étel se reconvertit dans la pêche au thon
pratiquée à bord des dundees et à celle du maquereau. Très vite, au lendemain
de la Première Guerre mondiale, d'importantes usines (usine Amieux et usine
Saupiquet [cette dernière au Magouer], à capitaux nantais), disposant chacune
de leur propre cale de débarquement, remplacent les presses et les petites
friteries de la seconde moitié du XIXe siècle, qui étaient dispersées un peu
partout dans le village. Vers 1930, Étel et Le Magouër disposent de cinq
conserveries (les usines Rodel, Lorcy et Le Bayon s'étant ajoutées à celles
précédemment citées). Le port s'équipe du "quai neuf" dans la
décennie 1930.
Afin
de tester un nouveau type de canot de sauvetage, Alain Bombard, en compagnie de
six volontaires, tente le 3 octobre 1958 de franchir à bord de son canot de
survie de sa conception la barre d'Étel, grande lame à l'embouchure de la ria
formée par la conjonction de la marée montante, le flot et les eaux qui
s'écoulent de la rivière. Le canot se retourne alors, suivi peu après du Vice
Amiral Schwerer II, le bateau de sauvetage présent sur zone. Le bilan est lourd
: neuf morts dont quatre parmi les occupants du canot de survie et cinq parmi
les marins sauveteurs de la station d'Étel ; Émile Daniel, patron du canot de
sauvetage, en fait partie. Par la suite, un des canots de sauvetage de la
station d'Étel a été baptisé Patron Émile Daniel en sa mémoire. Ce canot a été
en service de 1962 à 2003 ; une association œuvre à sa conservation au titre de
la sauvegarde du patrimoine maritime. En 2008, le musée des Thoniers et la
ville d’Étel ont organisé une exposition commémorant le cinquantenaire de ce
drame.
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