Louis
d’Agoult-Montauban, fils et héritier de Louise, fut à partir de
1452, l’initiateur du Château neuf. Implanté sur le rocher, à l’ouest et en
contre-haut de deux étages par rapport au Château vieux, le nouvel édifice
contredit et cherche à supplanter l’ancien, en adoptant le site et l’apparence
d’un château fort.
Le bâtiment réalisé devait, en effet servir d’amorce à la
constitution d’un grand quadrilatère cantonné de tours rondes, selon un type
inauguré en Provence au 14ème siècle et resté en vogue jusqu’au 17ème
siècle.
La construction paraît avoir été interrompue, peut-être
ruinée, lors de l’invasion de l’armée de Charles Quint en 1536. Il en reste le
mur nord entier et un fragment du mur sud. Les croisés, très proches encore par
leur décor de celles du Château vieux, s’intègrent ici dans les travées
régulières.
De la
loggia, on voit les trois niveaux de galeries à l’italienne. Dans
la petite forteresse médiévale, le corps de logis est à trois niveaux et
l’escalier à vis donne accès aux galeries. Les salles qui donnent sur la cour
abritent aujourd’hui les bibliothèques.
Au premier
étage, dit « étage noble » car il comprenait les
salons et salle à manger du seigneur, la loggia présente des soutiens en
pierre, colonnettes et arcades en anse de panier. Aux deuxième et troisième
étages, deux galeries plus légères, en bois, révèlent l’influence des Vaudois
originaires du Piémont. De telles galeries se retrouvent dans les châteaux
piémontais du 15ème siècle et dans ceux du Val d’Aoste. Elles ont
été restituées lors de la restauration entreprise par Robert Laurent-Vibert.
L’ensemble dessert les anciens appartements du Château vieux qui abritent à
présent les bibliothèques de la Fondation. La toiture du bâtiment déborde
largement au-dessus d’une cour fermée, autre influence piémontaise.
Dans la
cour se trouvaient les communs. Au rez-de-chaussée, un
ensemble de salles voûtées comprenant la cuisine et la boulangerie ainsi que
des salles de réserves et une prison (avec judas). Contre le mur qui fermait et
protégeait le bâtiment se trouve encore une partie de la fontaine du château,
permettant ainsi aux voyageurs et pèlerins de pouvoir se désaltérer. Une
inscription en lettres gothiques sur un linteau de porte datée de 1513, indique
en forme d’avertissement « Bois et t’en vas » : les seigneurs du
lieu ne tenaient pas à ce que l’on s’attardât dans leur château !
La cour :
en bas, il y a deux grandes salles voûtées : la boulangerie et la cuisine où la
nourriture et le vin étaient stockés. On voit l’ancienne prison avec un judas
pour surveiller les prisonniers. Au-dessus de cette porte, il y a une accolade sculptée dans la pierre, un
décors du Moyen-Age.
La tour
hexagonale abrite un escalier à vis desservant les quatre
niveaux du château. Au sommet de la tour et sous ses créneaux, se trouvent des
gargouilles représentant des chiens, mastiffs ou mâtins, utilisés pour la
chasse aux loups, nombreux au 15ème siècle dans le Luberon.
La tour
défensive à six côtés (hexagonale) : en haut de la tour, les trois
gargouilles en forme de chiens sauvages, chasseurs de loup. Grâce à des trous
dans la gueule des animaux, elles laissent s’écouler l’eau de pluie. Au
Moyen-Age les gens pensaient qu’elles protégeaient des mauvais esprits.
L’escalier
à vis : à l’époque médiévale, les escaliers tournaient
toujours dans le sens des aiguilles d’une montre. En effet, lorsque les
chevaliers attaquaient la tour, tenant leur épée de la main droite, ils étaient
par le pilier central.
Les Vaudois.
Ils étaient les disciples de Pierre Vaudès (ou Valdo), un riche marchand
lyonnais qui ainsi que le fera François d’Assise, avait distribué ses biens,
aux pauvres et tout quitté à la Pentecôte 1173 pour partir sur les
routes prêcher un Evangile libéré des contraintes d’une église plus tournée
vers le pouvoir temporel que vers la charité chrétienne. Ce mouvement s’était
dans un premier temps développé dans la région lyonnaise.
L’Inquisition le considéra comme hérétique. Les persécutions
qui suivirent obligèrent les vaudois à se réfugier dans les vallées alpines (région
d’Embrun, Briançon et piémont italien) où ils s’installèrent durablement, aussi
bien du côté français que du côté italien.
Tout en demeurant au sein du catholicisme, ils développaient
une foi et une pratique reposant essentiellement sur la lecture de la Bible
mise à la portée de tous, c’est-à-dire traduite dans la langue maternelle. Ce
qui les opposait à Rome qui ne reconnaissait que la Bible en latin, la Vulgate.
Pour se soigner, ils préféraient l’utilisation des plantes
médicinales plutôt que d’invoquer les saints guérisseurs. Ils étaient contre la
peine de mort et remettaient en question le pouvoir ecclésiastique. Ils
refusaient la confession tout comme l’existence du Purgatoire, car il n’était
pas mentionné dans la Bible.
Le savoir accumulé au fil des générations leur avait permis
une maîtrise de la mise en valeur des terres incultes en particulier en
développant l’irrigation. Du coup, après qu’épidémies et guerres eurent
dépeuplé la Provence, la noblesse les fit venir des vallées alpines aux
environs de 1475 pour Lourmarin, pour remettre en valeur des
terres devenues stériles. Il faut souligner que lors de leur installation en
Lubéron les seigneurs leur laissèrent la liberté de pratiquer leur culte.
En ce début du XVIème siècle, les
idées réformatrices de Luther et de Calvin allaient leur chemin. En
1532, lors d’un rassemblement dans les Alpes du sud versant
italien, à Chanforan, la communauté vaudoise décida de se rallier à la Réforme
en raison de parentés existant entre leurs pratiques et les pratiques
protestantes, notamment la proximité avec les textes bibliques.
Le roi François Ier
signe en 1540 l’Edit de Fontainebleau, premier texte de proscription contre les Protestants.
Cet édit sera appliqué contre les Vaudois avec une rigueur extrême que le texte
ne prévoyait pas, par le Parlement de Provence et son Président Jean Meynier
d’Oppède.
Le massacre.
Du 14 au 21 avril 1545, la semaine sanglante vit
incendier et détruire vingt deux villages du Lubéron et de ses alentours par
les troupes de Jean MAYNIER d’OPPEDE. Les habitants n’ayant pu s’enfuir furent brûlés, emmenés
aux galères furent massacrés sur place.
Le
déchaînement des violences fut inouï : les assaillants détruiirent les
villages et s’en prirent aussi aux cultures : ils arrachaient les vignes,
comblaient, comblaient les puits, coupaient les arbres fruitiers, détruisaient
les fontaines, piétinaient les jardins. Ils violèrent les femmes, tuèrent les
enfants. Les hommes jugés trop vieux ou trop jeunes pour les galères furent
massacrés sur place.
Blanche Levis-Ventadour, dame de Lourmarin, s’insurgea contre ces massacres et la
perte de la plus grande partie de ses paysans.
Elle porta plainte
auprès de François 1er contre Jean Meynier d’Oppède l’organisateur de ce désastre
et obtint sa condamnation par le Parlement de Paris.
Le Château de Lourmarin et les Vaudois.
Le
Château de Lourmarin est intimement associé aux Vaudois. Tout d’abord ils le
construisirent quand Foulques d’AGOULT les fit
venir à Lourmarin dans
les années 1470. En échange, Foulques leur attribua un lopin de terre et une maison dans le
village alors abandonné. Ils édifièrent le Château vieux dans le style des
châteaux et demeurs des Alpes du sud, leur région d’origine. Les descendants de
ces premiers vaudois ont aussi construit l’Aile Renaissance pour Blanche
Levis-Ventadour, épouse de Louis d’Agoult.
Pendant
la semaine sanglante
de 1545, Jean Meynier
d’Oppède attaque le château avec ses
troupes. On peut encore voir les meurtrières faites en hâte dans les murs de la
tour Renaissance par les Vaudois qui s’y réfugièrent et essayèrent en vain de
se défendre. La plupart d’entre eux fut massacrée.
Les
Vaudois qui échappèrent à cette extermination se réfugièrent à l’étarnger ou se
terrèrent en attendant les jours meilleurs qu’apportera l’application de l’Edit de Nantes pris par Henri IV en 1598. A
Lourmarin, les souvenirs des Vaudois est vivace et aujourd’hui encore nombre de
ses habitants se déclarent toujours descendants de Vaudois. La présence du
Temple protestant atteste cette continuité.
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Dans
une salle du deuxième étage, on peut s’instruire en visitant l’exposition sur la Grande
Guerre : PREMIER CONFLIT MONDIAL (Grande Guerre) 1914-1918.
L’inventivité des simples
soldats.
Lorsqu’à l’automne 1914 la guerre de mouvement prend la forme inattendue d’une
gigantesque guerre de siège, se fait jour la nécessité d’atteindre un ennemi
dorénavant enterré. Car le rôle de l’artillerie de campagne à tir tendu décroît
tandis que s’imposent les mortiers à tir courbe capables d’atteindre le fond
des tranchées (le tir plein fouet ne peut atteindre les troupes abritées). Or,
en 1914 , sauf en Allemagne, les mortiers ne sont plus en dotation dans
les armées…
Chez
les Belges, Britanniques et Français une étonnante artillerie de tranchée naît
alors d’initiatives individuelles et de réalisations locales qui témoignent de
l’inventivité de simples soldats appliquant tout leur savoir-faire artisanal à
la fabrication de lance-bombes.
La TRANCHéE. Guillaume APOLLINAIRE
Je
suis la blanche tranchée au corps creux
… Et
j’habite toute la terre dévastée
Viens
avec moi pénètre-moi pour que je sois heureuse de volupté sanglanteJe guérirai tes peines tes soucis tes désirs ta mélancolie…
Avec la chanson fine et nette des balles et l’orchestre d’artillerie…
Couche-toi dans mon sein comme sur un ventre bien aimé
Je veux te donner un amour sans second sans sommeil sans paroles
J’ai tant aimé de jeunes gens…
Je les ai aimés ils sont morts et je n’aime que les vivants
Allons viens dans mon sexe plus long que le plus long serpent long comme tous les corps des morts mis l’un devant l’autre
Viens ceux qui m’aiment sont là armés de fusils de crapuoillots de bombes…
150 ANS D’ART DES TRANCHéES présentés en 250 œuvres-types de la collection Becker.
La
vie des soldats au front ne se résumait pas à combattre, à mourir ou à vaincre.
Pour calmer angoisses et peurs, pour faire face à la désespérance et à l’ennui précédant
l’action guerrière, ils ont produit et produisent toujours, bijoux, chansons,
dessins, journaux, maquettes, objets décoratifs ou utilitaires, peintures,
poésies, romans et théâtre. C’est ainsi qu’est né et de poursuit l’Art des
ranchées, défini comme la dénomination générique des objets fabriqués par des
soldats, des prisonniers ou des civils à partir du matériel de guerre ou de
tout autre matériel, pourvu que ces objets soient associés à un conflit armé ou
à ses conséquences.
Les
œuvres ici présentées montrent comment, dans la rude réalité de la vie au
front, les soldats donnent une mémoire et un sens à leur expérience de guerre
et font face à l’épreuve des angoisses, des blessures, des maladies, de la peur
et de la mort. Ces œuvres expliquent comment les combattants s’accomodent de la
vie des bunkers et tranchées grâce à des créations forgées à partir de leurs
identités civiles d’avant-guerre, identités qu’ils ont su adapter pour tenir
compte de la réalité de la vie en temps de guerre et pour prouver à leurs
proches de l’arrière qu’ils ne les oubliaient pas quoi qu’il advienne.
Pour
réaliser leurs œuvres, les combattants se réunissent le plus souvent en petits
groupes solidaires partageant finances, matières premières, outillage, travail
et savoir-faire. Comme dans le cas des « popottes » formées autour de
l’amélioration de la nourriture de base, il s’agit de groupes restreints de
trois à quatre combattants partageant tout. Formés sur la base d’affinités
électives et de capacités complémentaires, ces groupes voient naître de forts
sentiments d’amitié construits dans l’épreuve. Ils constituent des cellules
d’entraide psychologique où chacun trouve un réconfort moral et un ersatz de
vie familiale.
On
limite souvent l’Art des tranchées à la période qui s’étend de la Guerre
russo-japonaise de 1904/1905 à la fin de la Grande Guerre, en 1919. Mais telle
n’est pas la réalité des faits. Les fouilles d’Alésia n’ont-elles pas livré des
objets à finalité religieuse qui auraient pu être fabriqués au cours du fameux
siège de 42 ? Les sièges des forteresses du Moyen-Age ne virent-ils pas se
faire nombre d’ex-voto surprenants ?
Par
ailleurs, l’Art des tranchées ne se limite pas aux pays occidentaux
« développés ». C’est un art universel comme en témoignent les magnifiques
panneaux relatant le siège d’Adwa (Ethiopie – 1896). Sont évoqués ici
différents belligérants, divers conflits, plusieurs grades, matériels et
positions sociales.
Cette
exposition ne concerne pas l’histoire militaire. Elle n’est qu’une très modeste
approche de l’ethnographie des combattants exprimée au travers de productions
faites toujours de peu : peu de matériaux, peu d’outils, peu de temps.
Elle néglige les productions d’artistes professionnels réalisés dans les
ateliers de camouflage. Les œuvres les plus maladroites ou cabossées ont
souvent été faites en première ligne, les plus élaborées furent produites dans
les voitures atelier de deuxième ligne où l’on répare les armes. Alain
BECKER.
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