Inauguré en 2011, le pont haubané courbe de Térénez, à
l’entrée de la presqu’île de Crozon, est unique en son genre, détenant le
record du monde de portée pour ce type de travée, avec ses 515 mètres de long.
Avec ses pylônes en lambda de 100 m de haut, le pont de Térénez allie une qualité esthétique spectaculaire à une moindre dangerosité de virage. Avec sa portée courbe la plus longue du monde (285 mètres), tenue par 144 haubans, le très fin tablier en forme d’assiette renversée, construit par encorbellements successifs, il détient un record mondial. En 2013, il a reçu le World Infrastructure Award, et, en 2014, le prix du plus bel ouvrage d’art de la Fédération internationale du béton.
Le pont courbe à haubans de Terenez enjambe comme ses
prédécesseurs l'Aulne maritime et assure le lien routier entre la Prequ'île de
Crozon et le Finistère Nord, dont Brest.
Surveillé du coin de l'œil une fois par an, le pont de
Térénez fait l'objet d'une inspection visuelle complète, au cm² près, tous les
8 ans. A ce titre la circulation du pont est fermée (comme du 04 au 08 novembre
2019) pour vérifier les haubans et leurs ancrages, hauts et bas, l'intérieur et
l'extérieur des pylônes, le tablier, les appareils d’appuis, les joints de
chaussée et les dispositifs de retenue à l’aide de deux nacelles dont une
suspendue sous le tablier et des cordistes grimpent sur les pylônes. Coût 100
000 € à la charge de Conseil départemental du Finistère.
Le
premier pont de Térénez de 1913 en Rosnoën et Argol.
La première version du pont de Térénez est d'une modernité
quasi révolutionnaire, il enjambe l'Aulne à une hauteur de trente-huit mètres au-dessus
du niveau des marées les plus hautes. La mer remonte le cours de la rivière
Aulne qui change de niveau deux fois par jour. La navigation marchande en vue
du canal de Nantes est encore une réalité économique qui s'estompe néanmoins.
Le passage fait 300 mètres de large. Pour une circulation routière venant de
Brest, il faut passer par Châteaulin ce qui ajoute 20 km supplémentaires.
La liaison le Faou Presqu'île de Crozon était assurée par
des bacs en plusieurs points de traversée. Le procédé limite les échanges et la
circulation bien que des familles vivent du commerce des passages de bacs.
L'entreprise Autajon entreprend la maçonnerie en 1913 à la
veille de la première guerre mondiale. La guerre interrompt les travaux qui
reprennent en 1920 et s'achèvent en 1923 pour ce qui est des piles en granite
et kersantite. En 1925, la fourniture et la pose du tablier métallique et des
câbles d'acier permet la mise en service le 13 décembre 1925. La chaussée est
en traverse de bois que font résonner les premiers véhicules motorisés. La
modernité est jugée très bruyante en fin de compte. Le chantier lui-même a
coûté plusieurs vies humaines.
Le pont de Térénez version 1913 est sévèrement gardé par
l'armée allemande durant l'occupation. Il est stratégique et permet la
circulation des troupes et des matériels. Dans la nuit du 24/25 août 1944, les
soldats font sauter une pile pour empêcher les Américains de rejoindre Crozon.
La détonation se fit entendre dans toute la région. Une tonne d'explosif fut
utilisée.
Après-guerre, Jean-Marie Capitaine reprend son activité pour
faire passer d'une rive à l'autre les personnes et les biens en bac ou en
barque sur l'Aulne comme par le passé avant que le pont de Térénez ne ruine
l'activité ancestrale des passeurs. Ce n'est qu'en 1949 que sont entamés les
travaux du second pont. La passage de Térénez est rouvert en attendant le
nouveau pont...
Le
deuxième pont de Térénez de 1952
Les premières piles appartenaient au premier pont et furent
réemployées pour le second.
La destruction de la première version du pont de Térénez en
1944 par l'armée allemande en déroute est l'occasion de revoir la conception du
pont. Certaines piles en pierres sont réutilisées partiellement mais la
structure passe au béton armé qui allège le pont et permet d'entrevoir une
chaussée plus large pour une circulation moderne. Le pont a donc une portée
identique au premier, soit 272 m (longueur totale 347m). Les pylônes font 70,80
m. Néanmoins, reconstruit à une période d'après-guerre durant laquelle le béton
est rare, la construction est de mauvaise qualité et génère une alcali-réaction
(cancer du béton) qui émiette le pont avec le temps. Il s'agit d'une réaction
chimique entre le granulat et le mortier qui génère un gel provoquant des
fissures. L'eau de pluie s'infiltrant dans ces fissures, le procédé s'activait
d'autant plus. De plus la circulation qui a nettement augmenté depuis 1952, se
voyait brutalement ralentie car les accès au pont se faisaient en angle droit à
chaque extrémité. Il fut donc jugé dangereux et peu adéquate malgré les
interventions de colmatage en matériaux composites sur les pylônes.
Le pont de Térénez seconde version fut démonté (site Natura
2000 interdisant une destruction anarchique) de 2013 à 2015 (une partie des
matériaux a bénéficié d'un recyclage - des prélèvements ont été effectués pour
des analyses scientifiques) tout en conservant une avancée transformée en
belvédère pour admirer la troisième version du pont élevée dès 2007 et ouverte
à la circulation le 16 avril 2011.
Pont de
Térénez. Quelques frayeurs rétrospectives… 20 août 2018, René Perez.
La catastrophe de Gènes a déclenché une psychose mondiale et
de nombreuses interrogations sur la solidité des ponts de la planète entière.
La France n’y échappe pas et du côté du gouvernement on assure que l’inspection
des ouvrages est constante, mais on reconnaît qu’il va falloir augmenter
l’enveloppe nationale consacrée à l’entretien et aux travaux de confortement.
Au point que l’écotaxe est une nouvelle fois exhumée comme piste pour trouver
de nouveaux modes de financement.
L’Ouest possède quelques grands ouvrages d’art, comme le
pont de Saint-Nazaire, le pont de l’Iroise à l’entrée de Brest ou le médiatique
pont de Térénez, entre Brest et Crozon, élu plus beau pont du monde en 2014
lors d’un congrès mondial de constructeurs et qui a détenu, un temps, le record
du monde de portance en courbe sans support. Ce qui lui donne cette allure
aérienne.
Mais avec le recul, on repense au vieux pont de Térénez,
celui qui fut fermé à la circulation en 2011, lors de la mise en service du nouvel
ouvrage. Construit après la guerre avec du béton et du sable de qualité
médiocre, ce pont donna des signes de faiblesse dès les années 90. Les deux pylônes,
porteurs des câbles, avaient tendance à s’effriter et il ne fallut pas
longtemps pour diagnostiquer la maladie du béton, appelée alcali-réaction et
qui se traduit par la micro-fissuration de la matière.
Au fil des ans, il s’est avéré que la maladie gagnait
l’ensemble du pont et on prit des mesures. D’abord de limitation du tonnage. De
lourds convois transportant des équipements destinés notamment à la base de
l’Ile-Longue, en presqu’île de Crozon, furent priés de faire le tour par
Châteaulin et de passer par le Menez-Hom. Et puis on entreprit de cercler les
pylônes du pont, autrement dit de les entourer de cerceaux métalliques
renforçant la structure. Ou du moins l’empêchant de partir en poussière… Et
quelques années plus tard, on installa un système sophistiqué de surveillance
électronique 24 heures sur 24, assuré à distance, car les deux pylônes avaient
une légère tendance à s’incliner vers la rivière sous le poids de la structure…
Autant dire que si la catastrophe de Gènes et la psychose
ambiante avaient eu lieu avant 2011, ce vieux pont de Térénez aurait très
probablement été fermé sur le champ. Heureusement, il a tenu, comme son prédécesseur,
le premier pont de Térénez, achevé en 1925, et qui fut un temps le plus long
pont suspendu d’Europe. Les Français étaient alors les meilleurs au monde pour
la construction de ces ouvrages. Mais il avait un inconvénient : le passage sur
les travées en bois faisaient un tel raffut qu’on l’entendait à des kilomètres
à la ronde. Et bien des passagers préféraient traverser à pied, tant ils
étaient effrayés, surtout ceux voyageant dans les autocars de l’époque,
généralement brinquebalants et équipés de pneumatiques assez rudimentaires.
Ce premier pont fut détruit par les Allemands en 1944 pour
couper l’avancée des Américains vers la presqu’île. Le suivant, achevé en 1953,
a donc été fermé en 2011 avant d’être entièrement déconstruit en 2013. Et les
concepteurs du troisième assurent qu’il est là pour un siècle. On croise les
doigts. René
Perez, Journaliste au "Télégramme" de Brest, directeur des rédactions
du Finistère (en 2013).
Je remarque que pour que le nouveau pont soit utilisable jusqu’en
2211, il est nécessaire que les véhicules qui roulent sur le tablier respectent
rigoureusement la limitation de la vitesse à 70 km/h. Or, on peut constater qu’une
part non négligeable (plus de 30%) des véhicules roulent au-delà de 70 km/h.
Une telle mauvaise habitude grève la durée de l’ouvrage de plus de 10% de son
espérance de vie active, à méditer !
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